«Les parents peuvent apprendre à penser à eux»
Madame Kiechl, que se passe-t-il pour une famille dont l'enfant tombe gravement malade et nécessite des soins ?
Chez de nombreux parents, un tel diagnostic suscite une grande angoisse. C'est tout leur projet de vie qui est chamboulé. Ils se voient liés jusqu'à la fin de leur vie, car il se peut que l'enfant ne devienne jamais autonome. Ils sont soudain confrontés à d'innombrables sujets : séjours à l'hôpital, contrôles médicaux, peur des résultats, examens et traitements désagréables pour l'enfant.
Le taux de séparation est deux fois plus élevé que pour les autres couples.
Ils doivent apprendre à s'occuper de l'enfant. 24 heures sur 24. Cela peut impliquer de faire fonctionner une sonde d'alimentation la nuit. Un enfant malade demande un espace et un temps incroyables ; c'est tout un art d'y faire face.
De nombreux parents concernés se séparent-ils en raison de ce fardeau ?
Le taux de séparation est deux fois plus élevé que pour les autres couples. Ces mères et ces pères sont confrontés à des questions qui vont au-delà de ce que les parents doivent généralement décider. Des questions éthiques, par exemple. Quand l'un veut laisser partir l'enfant malade en phase terminale et que l'autre se bat jusqu'au bout, les tensions sont difficiles à surmonter.

Les différences de temps de présence à la maison peuvent également susciter de la jalousie envers le partenaire qui semble avoir plus de liberté. C'est pourquoi les couples ont besoin de comprendre l'engagement surhumain et l'épuisement de l'autre. C'est un marathon quotidien. Il est difficile de continuer à s'aimer.
Comment les parents peuvent-ils être concrètement soulagés dans leur tâche ?
Pour rester en bonne santé en tant que personne ou en tant que couple, il faut accepter de l'aide. L'enfant malade devrait aller régulièrement passer quelques heures ou la nuit chez une personne de confiance ou dans une institution comme la maison d'enfants Imago. Les parents peuvent apprendre à penser à eux, à abandonner temporairement leurs responsabilités, sinon ils s'épuisent.
Il y a aussi des événements pour toute la famille. Les parents y sentent qu'ils ne sont pas seuls au monde avec leur destin. Ils partagent ainsi des moments précieux avec leurs enfants malades.
Est-il acceptable que quelqu'un d'autre prenne temporairement en charge les soins pour les soulager ?
Confier son enfant à quelqu'un nécessite beaucoup de confiance, qui doit d'abord être établie. Un enfant malade ne peut pas s'exprimer et raconter comment il a passé sa journée. On se sent alors à la merci de l'enfant. Mais avec le temps, les parents sentent que cela peut fonctionner et que les enfants s'amusent.
Pourquoi est-ce que beaucoup de gens ont tant de mal à le faire ?
Plus un enfant a besoin de soins, plus le lien avec lui est étroit, car on fait vraiment tout pour lui. Lâcher prise est alors un grand défi. Ou alors les parents pensent que ce n'est pas médicalement justifiable. Mais on peut organiser beaucoup de choses.
Avoir un enfant gravement malade est une tâche qui dure toute la vie. Mais ses parents aussi vieillissent. L'enfant sera-t-il alors placé en institution ?
Dans certains cas, l'enfant est placé dans un internat de semaine dès l'âge scolaire. Les parents prennent alors l'enfant chez eux le week-end. Plus tard, les enfants handicapés vivent souvent dans des groupes de vie encadrés, où ils peuvent en partie exercer une activité.
Les enfants en bonne santé déménagent un jour pour vivre seuls ou avec un partenaire. Les jeunes adultes handicapés ont également ce droit. Le processus de détachement doit commencer tôt, sinon l'enfant n'est habitué à rien de ce qui vient de l'extérieur.
Quelles sont les craintes pour l'avenir ou les préoccupations des parents d'enfants nécessitant des soins ?
De nombreuses questions importantes doivent être résolues : L'AI paiera-t-elle encore dans 30 ans ? Qui s'occupera de
s'occupera-t-il de mon enfant si les personnes qui s'en occupent aujourd'hui ne sont plus là ? Il est donc judicieux de penser loin en avant et de prendre des dispositions.
Les frères et sœurs ou les amis peuvent par exemple devenir des assistants pour l'enfant. Les parents qui acceptent leur destin et ne se battent pas contre lui s'en sortent mieux au quotidien. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. La société attend que l'on continue à fonctionner, mais un tel diagnostic implique un énorme travail de deuil.