«Il est essentiel pour les enfants d'être vus».
Madame Altstötter-Gleich, naît-on perfectionniste ou est-on fait pour l'être ?
Il existe une condition héréditaire modérée, donc une prédisposition génétique. Certaines études sur les jumeaux l'ont démontré. Toutefois, à mon avis, ce n'est pas le perfectionnisme qui est directement hérité, mais plutôt une prédisposition à l'instabilité émotionnelle et donc à l'anxiété. Et c'est un élément clé de la forme de perfectionnisme qui pose problème : des normes élevées associées à la peur de l'échec. Les personnes concernées sont particulièrement susceptibles de réagir très fortement à la punition et à la menace ressentie.
Mais la génétique ne joue qu'un rôle secondaire ?
Exactement, car l'accent est clairement mis sur le foyer parental. Cela signifie que le comportement et l'attitude des parents jouent un rôle plus important. On peut distinguer quatre modèles. Premièrement, ce que l'on appelle l'apprentissage par le modèle : les parents sont eux-mêmes perfectionnistes et ont des exigences très élevées et la peur de l'échec. Ils adoptent ce comportement et les enfants l'apprennent d'eux. Cela est bien prouvé empiriquement.

Dans le modèle des attentes sociales, de nombreux parents sont très exigeants et veillent donc sciemment à ce que leurs enfants soient également très exigeants envers eux-mêmes. En tant que parents, on contrôle alors très fortement les enfants et on réagit de manière particulièrement sensible à leurs erreurs, à leurs échecs, parce qu'on considère que l'échec est lui-même si problématique. Bien sûr, nous vivons tous dans une société de la performance, il serait donc étrange que les parents disent : «Oh, ce n'est pas pertinent si tu n'as pas de bonnes notes à l'école». La question est seulement de savoir avec quelle froideur les parents réagissent aux erreurs et avec quelle intensité.
Comment cette approche néfaste de l'erreur se manifeste-t-elle dans le quotidien familial ?
Un exemple : les enfants : J'ai moi-même deux fils et, dans leur jeunesse, j'ai souvent pu observer, au bord du terrain, les réprimandes adressées aux autres enfants : «Comment as-tu pu ?! Pourquoi n'as-tu pas vu ça ? Si seulement tu avais fait comme ça !» Que l'on réagisse donc avec virulence, froideur et mépris aux erreurs lorsque les enfants ne répondent pas aux normes élevées des parents. C'est une combinaison toxique !
Souvent, le manque d'estime suffit à développer des tendances perfectionnistes problématiques.
Il n'est pas nécessaire que l'enfant soit frappé ou qu'il se passe quelque chose de dramatique, mais très souvent, le fait de ne plus être considéré et le manque d'estime et de reconnaissance suffisent à développer des tendances perfectionnistes problématiques. Car pour les enfants, il est essentiel qu'ils soient vus.
Dans les deux autres modèles, comment les parents contribuent-ils au perfectionnisme des enfants ?
Le troisième modèle décrit le style d'éducation anxieux comme cause. Nous avons affaire à des parents très anxieux qui ne veulent que le meilleur pour leur enfant, non pas parce qu'ils ont eux-mêmes des normes élevées, mais parce qu'ils ont peur que leur enfant ait des problèmes à l'avenir. On entend beaucoup d'inquiétudes de leur part : «Si tu n'es pas assez bon à l'école, tu n'auras pas de place d'apprentissage et alors les gens ne t'aimeront plus et alors tu ne pourras pas gagner d'argent et alors ...». Cette pensée catastrophiste sur tout ce qui peut arriver et arrivera de terrible en cas d'échec peut s'installer chez les enfants.
Les parents d'enfants perfectionnistes sont donc trop impliqués ou du moins très impliqués dans le domaine de la performance ?
Souvent, mais pas toujours : il y a aussi l'explication de la réaction sociale. Selon cette approche, les traits perfectionnistes sont souvent associés à des foyers où l'on a affaire à des abus émotionnels, voire sexuels ou physiques. La caractéristique principale de ces familles est que l'enfant essaie de mettre de l'ordre dans tout ce chaos par le biais de structures claires et d'une très, très bonne performance. Comme on trouve souvent dans ces familles très émotionnelles et abusives un comportement éducatif peu cohérent, les enfants font tout pour être irréprochables afin de ne pas être punis. Cette approche a été la moins étudiée jusqu'à présent, car il est très difficile d'accéder à ces familles pour des études.
Les enfants perfectionnistes manquent de la confiance originelle qu'ils ont toujours quelqu'un qui les tient et qui les voit.
Les parents réagissent très différemment, qu'est-ce que les enfants ont en commun ?
Ils font tous dépendre très fortement leur valeur personnelle de la reconnaissance des autres et de leurs propres performances. Ils ne disposent pas d'une estime de soi autonome et fondamentale. En raison d'expériences de socialisation précoces, il leur manque la confiance originelle qu'ils ont toujours quelqu'un qui les tient et qui les voit.
À partir de quel âge peut-on constater des tendances perfectionnistes chez les enfants ?
Un premier indice est ce que l'on appelle la tolérance à la frustration, pour laquelle des différences apparaissent déjà relativement tôt : Comment les enfants d'âge préscolaire gèrent-ils les choses qui ne fonctionnent pas comme ils le souhaitent ? S'ils abandonnent tout de suite, c'est un premier indice qu'ils ont peut-être tendance à développer un perfectionnisme dysfonctionnel.
Il s'ensuit souvent, malheureusement, que dès leur plus jeune âge, ils n'essaient plus certaines choses, par exemple dans le domaine des travaux manuels, parce qu'ils ont le sentiment de ne pas être assez bons. Cet évitement est une réaction typique à la peur. Sinon, dès que l'on entre dans un contexte d'évaluation et de performance tel que l'école, les tendances établies dans le foyer deviennent évidentes, dès que les notes et les évaluations deviennent plus explicites et que le système ne soutient pas suffisamment l'attitude consistant à faire des erreurs.