Guérir les jeunes patients par la musique
Une pièce remplie d'instruments de musique. Nadia s'y déplace. La fillette de dix ans frappe sur des tambours, des cymbales et un gong. Elle pousse des cris en même temps. Sa musicothérapeute se tient au bord et l'accompagne au xylophone. Elle joue de petites réponses au jeu frénétique de Nadia et donne des impulsions musicales. Mais la jeune fille ne semble pas prêter attention à cette tentative de prise de contact.
En tant que spectateur, on imagine l'enfant hyperactive dans son quotidien, comment Nadia se heurte, comment on lui demande de se taire, comment son entourage souffre peut-être. On se demande comment la thérapeute peut arrêter cette petite fille turbulente qui vient de frapper le tambour sur cadre avec une force incroyable.
Dans le Safe Place, un enfant apprend à réguler ses émotions en dehors de la salle de thérapie.
Cette scène est une séquence vidéo réalisée dans le cadre de la formation de musicothérapeute à la Zürcher Hochschule der Künste ZHdK. Sandra Lutz Hochreutener regarde l'écran. Elle est la directrice du Master of Advanced Studies en musicothérapie clinique à la ZHdK et exerce elle-même depuis 36 ans. «La thérapeute tient le coup», commente-t-elle à propos de la séquence avec Nadia.
Une salle de thérapie n'est pas un lieu de critique et de contrôle. Au contraire : si le comportement de l'enfant doit changer, il faut créer pour la fillette ce que l'on appelle un safe place, un espace sûr. «Un enfant doit se sentir accepté et protégé de telle sorte qu'il puisse montrer toutes les facettes de lui-même : les plus sauvages, les plus harmonieuses ou les plus méchantes».
La musique fait le premier pas
Puis arrive un moment important dans le film. Nadia perçoit que la thérapeute répète son coup sur le bassin au xylophone. La jeune fille s'arrête, établit un contact visuel, frappe à nouveau sur la cymbale et arrête aussitôt la réverbération pour écouter si son jeu reçoit à nouveau une réponse. Lorsque le xylophone retentit, Nadia pousse un cri de joie.
Un petit pas est fait, le début d'une relation entre Nadia et sa thérapeute, une première arrivée dans un espace qui deviendra le Safe Place de la jeune fille. L'objectif sera que la jeune fille intériorise le Safe Place. Elle sera alors plus à même de réguler ses émotions et de nouer des contacts en dehors de la salle de thérapie. Un tel processus peut durer longtemps.
Le Safe Place constitue la base du travail thérapeutique, explique Sandra Lutz Hochreutener en parlant d'une jeune fille de son cabinet. En raison d'un traumatisme de la petite enfance, la peur dominait sa vie. Il en était de même dans la salle de thérapie. «Je lui ai dit, ok, tu peux te construire une cabane et te cacher dedans, et tu peux aussi prendre une peluche».
Pendant des semaines, la jeune fille s'est cachée pendant toute la thérapie dans sa maison faite de chaises, de couvertures et de coussins. «Avec le temps, il y a eu un contact de l'intérieur vers l'extérieur : La fillette jouait des notes sur la flûte, et je répondais de l'extérieur avec une autre flûte. C'est ainsi que le contact s'est lentement établi». Des «conversations» instrumentales s'en sont suivies. Des visites réciproques ont suivi, jusqu'au jour où la jeune fille a aménagé une place pour eux deux à la place de la cabane. Elle aurait dit en passant qu'elle n'avait «plus besoin du toit».
Communication à travers des portes fermées
Par rapport à la parole, la musique a l'avantage de toucher et de stimuler plusieurs sens à la fois. On entend le son, on ressent la vibration, on voit et on sent les instruments dans leurs différentes tailles et matières. Et la musique s'adresse aussi bien au niveau physique qu'émotionnel. «Si je joue un petit son au fond dans un coin, l'autre personne dans la pièce en est affectée, même si nous ne nous regardons pas», explique Sandra Lutz Hochreutener. «C'est pourquoi c'est aussi un moyen efficace avec les personnes renfermées. La carapace qui est tout autour est brisée en douceur par la musique». Comme dans toute psychothérapie, il existe une multitude de méthodes de musicothérapie, qui sont utilisées individuellement chez les patients.
Musicothérapie
L'improvisation est centrale : jouer au-delà de ce qui est juste ou faux. L'improvisation peut aider à réduire les tensions ou à surmonter les obstacles. Elle est également utilisée pour aborder un thème en thérapie. Elle est souvent suivie de jeux de rôle ou de discussions. L'improvisation ouvre un «espace créatif dans lequel la transformation et le renouvellement peuvent avoir lieu», écrit Sandra Lutz Hochreutener dans son livre «Spiel-Musik-Therapie ». Le livre se base sur 540 protocoles sonores issus de son travail pratique, qu'elle a analysés. Les exemples de cas montrent de manière impressionnante la diversité et les possibilités de la musicothérapie.
Ce qu'on appelle le «chant spontané» aide les enfants à trouver des mots pour s'exprimer.
Les chansons jouent également un rôle important, surtout en combinaison avec l'improvisation. Ce que l'on appelle le «chant spontané avec paroles» est une forme amusante qui permet aux enfants de trouver plus facilement des mots pour s'exprimer. Un enregistrement vidéo montre une fillette assise en face de sa thérapeute. Toutes deux ont une guitare. La fillette de sept ans frappe les cordes de manière rythmique. La thérapeute reprend exactement le mouvement tout en faisant résonner sa guitare dans une séquence harmonieuse. Cela donne un fond musical. La fillette chante alors dans un micro : «Bonjour chers amis, je suis si seule».
La fillette trouve des mots qui expriment ses propres sentiments. Ce faisant, elle ne montre guère d'émotions physiques . Dans sa chanson spontanément inventée, elle rencontre un chien, un husky. «Bonjour, chers amis, je suis si seule» devient le refrain. Finalement, la fillette se rend dans la forêt avec le chien. Il y a là un méchant brigand. Le flux de chants est soudain interrompu. La situation représente manifestement un traumatisme. La thérapeute ne s'interrompt pas, mais fait un interlude à la guitare. «Lorsque la parole se tarit, la mélodie continue à porter», écrit Lutz Hochreutener à ce sujet dans son livre.

En fait, pendant l'intermède musical, la fillette trouve une solution : «Husky, je m'assois sur toi et ensuite nous nous enfuyons rapidement». Et la thérapeute renforce la solution : «Nous courons, nous courons, nous courons, nous nous enfuyons». Après la chanson, la jeune fille, habituellement timide, crie aussi fort qu'elle le peut «Bonjour !» dans le microphone. Elle remarque que les instruments résonnent dans la pièce. Puis elle crie encore et encore.
Revenons à Nadia. Trois mois se sont écoulés depuis sa première séance de thérapie sauvage. Un nouveau film montre le même endroit. Après dix séances de thérapie, il semble être devenu un lieu sûr pour Nadia. Elle joue en rythme sur la flûte de lotus, et la thérapeute soutient le rythme avec le tambour. Nadia essaie de jouer d'autres instruments en même temps que la flûte. Elle y parvient. Mais elle perd ensuite le rythme qu'elle répétait depuis si longtemps. Elle s'approche de la thérapeute qui continue à jouer doucement. Nadia colle son oreille au tambour et se remet à chanter. C'est une nouvelle qualité de relation que la jeune fille vit ici. «Ils se comprennent», pense le spectateur, qui est touché.
La musicothérapie comme prévention de la violence : «TrommelPower» dans les écoles
Les bases de la méthode proviennent du travail clinique avec des adolescents agressifs. «En analysant les biographies d'adolescents violents, il est vite apparu qu'une confrontation plus précoce avec le sujet aurait pu éviter à beaucoup une carrière négative dans la violence», constate Wölfl. «TrommelPower» vise à utiliser les ressources et le plaisir de jouer des élèves pour développer leurs compétences en matière de gestion du stress, des tensions, de la peur et des conflits. L'expérience musicale et créative commune permet aussi souvent d'établir un contact différent entre l'enseignant et les élèves, ce qui rend la relation plus ouverte et plus familière. Le projet est également proposé en Suisse.
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