Cyberintimidation : «Plus c'est dur et méchant, plus il y a de likes».
Madame Katzer, peut-on séparer le cyberharcèlement du harcèlement classique ?
La cyberintimidation et l'intimidation traditionnelle, par exemple dans la cour de l'école, se déroulent généralement en parallèle. La recherche montre qu'un tiers des auteurs ont été eux-mêmes victimes de harcèlement. Internet leur permet de «se défendre».
Mais vous ne semblez pas comprendre la souffrance des victimes ...
C'est comme ça. L'empathie numérique n'existe pas. Pour plonger quelqu'un dans les toilettes, il faut toujours franchir un seuil psychologique. En ligne, cela n'existe pas. Agir en ligne crée une distance avec les victimes, car on ne les regarde pas dans les yeux. On ne voit pas quand elles pleurent ou se tordent de douleur sur le sol.
Le cyberharcèlement fait-il plus de dégâts à long terme que l'intimidation ?
Le degré de traumatisme est beaucoup plus élevé dans le cas de la cyberintimidation. Autrefois, il existait un lieu de retraite à la maison. On pouvait y respirer à pleins poumons. Aujourd'hui, les agresseurs comme les victimes ont toujours leur smartphone sur eux. De plus, le cyberharcèlement a un degré de publicité extrêmement élevé, le monde entier peut y assister. La présence omniprésente d'Internet et le fait de savoir qu'il est impossible d'effacer toutes les images, textes et vidéos sont un fardeau.
Qu'est-ce que cela fait aux personnes concernées ?
Nous savons par la recherche que l'intimidation et le cyberharcèlement activent dans le cerveau les mêmes régions de douleur que les coups physiques. Dans le cas du cyberharcèlement, nous avons de nombreux cas où des photos reviennent sans cesse. Cela signifie que la victime ressent cette douleur de manière récurrente.

Les jeunes sont-ils vraiment aussi violents en ligne ? Ou s'agit-il de cas isolés ?
L'agressivité en ligne a clairement augmenté. Elle devient acceptable. Mais c'est aussi le cas chez les adultes. Aujourd'hui, 20 % des adultes en Allemagne sont victimes de cyberharcèlement. Le harcèlement entre collègues de travail ne se limite plus depuis longtemps au bureau. C'est d'ailleurs un sujet dont beaucoup d'entreprises ne parlent pas.
L'intimidation et le cyberharcèlement activent dans le cerveau les mêmes régions de douleur que les coups physiques.
Plus le nombre de cas est élevé, plus les préoccupations morales sont faibles ?
Absolument. Selon la devise : si les autres le font, c'est qu'il y a une raison. C'est ce que nous appelons en cyberpsychologie : se livrer en masse à la toile. Les opinions et les accusations postées en ligne se mélangent pour former de nouveaux contenus et développent leur propre vie. Ce comportement est ensuite suivi d'une deuxième étape que je considère comme dramatique : Au cours de ce processus, de nouvelles attitudes se forment et sont transposées dans la vie réelle.
Que pouvons-nous faire à titre préventif ?
Nous devons faire entrer l'utilisation en ligne et tout ce qui s'y rapporte dans l'éducation. La conscience que beaucoup de choses peuvent être manipulées n'est justement pas transmise à l'école. Nous avons besoin de concepts d'apprentissage intelligents qui vont au-delà de la notion actuelle de compétence médiatique qui, à mon avis, est de toute façon trop limitée.
Qu'entendez-vous concrètement par là ?
Les jeunes doivent obtenir des réponses à des questions telles que : Qu'advient-il de mes émotions en ligne ? Ou encore : en quoi suis-je différent en ligne de ce que je suis réellement ?
Existe-t-il un profil type du harceleur chez les jeunes ?
Le cyberharcèlement touche tous les niveaux d'éducation, les différences entre le lycée, l'école secondaire ou l'école professionnelle sont minimes. Mais il existe certains facteurs de risque : la plupart des auteurs se sentent moins compétents à l'école, leur relation avec leurs parents est souvent négativement affectée.
Vous avez mentionné dans l'entretien préliminaire que l'effet de récompense joue un rôle important dans le mobbing. Qu'est-ce que cela signifie ?
C'est une nouvelle tendance : un comportement en ligne remarquable, qu'il soit négatif ou positif, est récompensé par un «like». Plus les coups sont durs et méchants, plus les «likes» sont nombreux.
On s'encourage mutuellement : Qui a la vidéo la plus violente ?
Parlons du sexisme : les filles et les femmes sont jugées plus durement en ligne. Pouvez-vous le confirmer ?
Lors d'une condamnation en ligne, une distinction claire est faite entre les garçons et les filles. La fille est immédiatement traitée de «bitch» lorsqu'une photo apparaît sur laquelle elle est légèrement vêtue. On dit aussi : «Elle s'est photographiée comme ça, c'est de sa faute».
Qu'est-ce que les hommes victimes de cyberharcèlement ont tendance à vivre plus souvent ?
Les garçons sont également exposés sur Internet par des photos nues diffamatoires et embarrassantes ou par du matériel vidéo à contenu sexuel. Mais il arrive aussi souvent que des garçons se fassent tabasser, ce qui est filmé et ensuite mis en ligne. Les gens s'encouragent alors mutuellement : Qui a la vidéo la plus violente ?
Les filles offrent une plus grande surface d'attaque en raison de leur comportement en ligne, écrivez-vous dans votre livre sur la cyberintimidation.
Les filles ont tendance à être plus honnêtes en ligne. Elles se confient sur les réseaux sociaux, par exemple en parlant sur Facebook ou dans des conversations de groupe WhatsApp de qui elles sont amoureuses ou de leur volonté de perdre du poids. Cela les rend vulnérables.
Que conseillez-vous aux parents qui constatent que leur enfant est victime de harcèlement en ligne ?
Les parents doivent faire comprendre à leur enfant : Tu peux nous faire confiance, nous ne réagissons pas de manière excessive, ce n'est pas de ta faute, nous trouverons une solution. Il est important de développer un plan ensemble, d'informer le fournisseur d'accès à Internet et d'impliquer l'école. Une consultation d'experts peut également s'avérer utile.
Et comment les mères et les pères de cyberharceleurs doivent-ils gérer la situation ?
Les parents doivent découvrir ce qui se cache derrière les cyberattaques, qu'il s'agisse de problèmes, de peurs, de la pression des pairs ou de leur propre expérience de victime. Il est important d'être clair : Le cyberharcèlement n'est pas une peccadille. Les victimes ont besoin d'excuses et d'aide. Les auteurs doivent faire preuve de responsabilité. C'est souvent difficile. Les conseils psychologiques ne sont donc jamais de trop.