Pourquoi l'école a besoin de plus d'espace pour la résonance

Selon le programme scolaire 21, les élèves acquièrent et développent pendant leur scolarité obligatoire des connaissances et des compétences fondamentales ainsi qu'une identité culturelle qui leur permettent d'apprendre tout au long de leur vie et de trouver leur place dans la société et dans la vie professionnelle.

Mais que faut-il pour cela ? Des connaissances ? Des compétences ? Certainement.

Pour que les gens soient prêts à se développer et à continuer d'apprendre tout au long de leur vie, ils doivent également développer un lien avec les contenus qu'ils acquièrent. Selon le philosophe et sociologue Hartmut Rosa, ils doivent vivre ce qu'on appelle des « expériences de résonance ».

Dans la vie, il ne s'agit pas seulement d'être intelligent, mais aussi de créer des liens, de s'émerveiller, de vibrer et, ainsi, d'insuffler la vie aux choses.

Extrait du film « Good Will Hunting »

Le terme « résonance » vient de la physique et signifie qu'un corps commence à vibrer particulièrement fortement lorsqu'il est stimulé par une force extérieure à la fréquence exacte.

Pédagogie par résonance

Hartmut Rosa transpose ce concept à l'expérience humaine et entend par là que nous sommes touchés par quelque chose – une autre personne ou un contenu – et que nous « résonnons » intérieurement.

Dans son ouvrage « Resonanzpädagogik » ( Pédagogie de la résonance ), il écrit à ce sujet : « La compétence et la résonance sont deux choses très différentes. La compétence signifie la maîtrise sûre d'une technique, le fait de pouvoir disposer à tout moment de quelque chose que je me suis approprié. La résonance, en revanche, signifie entrer en relation avec une chose dans le cadre d'un processus. La compétence est une appropriation, la résonance signifie une transformation du monde : je me transforme moi-même dans ce processus. »

Entrer en relation avec une chose

Dans le film « Good Will Hunting », le psychologue Sean Maguire résume cette différence lorsqu'il confronte Will, génial mais inaccessible, au fait que le savoir, les compétences et l'intelligence ne font pas tout :

« Tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu n'es jamais sorti de Boston. Si je te pose des questions sur l'art, tu pourrais probablement me dire tout ce qu'il y a à savoir sur Michel-Ange. Son œuvre, ses ambitions politiques, sa relation avec le pape, son orientation sexuelle – tout, n'est-ce pas ? Mais tu ne peux pas me dire quelle odeur règne dans la chapelle Sixtine. Tu n'y es jamais allé, tu ne t'es jamais tenu sous ce magnifique plafond pour le contempler. »

Le psychologue explique à Will que, même s'il sait et peut faire beaucoup de choses, il ne connaît pas les émotions, les expériences et les pertes réelles, et que dans la vie, il ne s'agit pas seulement d'être intelligent, mais aussi de créer des liens, de s'émerveiller, de vibrer et ainsi de donner vie aux choses.

Une bonne école devrait permettre les deux : transmettre des compétences et créer des espaces propices à la résonance.

Quand un enfant est ému en lisant un poème ou une histoire, quand il comprend soudainement un concept en cours de mathématiques et qu'il en est émerveillé, quand il se pose des questions en explorant un sujet, alors il entre en relation avec la matière. Il est touché, réagit intérieurement, poursuit sa réflexion, change peut-être un peu. Dans ces moments-là, la rencontre avec la matière transforme non seulement les connaissances de l'enfant, mais aussi l'enfant lui-même.

Alors que la compétence a pour objectif la maîtrise sûre d'une matière, la résonance vise à établir une relation vivante et personnelle avec le monde. Une bonne école devrait permettre les deux : transmettre des compétences et créer des espaces propices à la résonance.

Permettre des expériences de résonance : un risque

De nombreux enseignants aspirent profondément à offrir de telles expériences aux enfants. Ils souhaitent leur transmettre leur enthousiasme pour une langue étrangère, leur amour de la littérature et leur fascination pour les sciences naturelles.

Cependant, nous ne pouvons pas planifier, créer ni même imposer des expériences de résonance. Elles ne peuvent se produire que lorsque les conditions sont réunies. Et cela est difficile lorsque l'accent est principalement mis sur les progrès mesurables, le respect du programme scolaire, les notes et la sélection.

Les expériences de résonance nécessitent du temps pour approfondir un contenu, établir un lien avec sa propre vie, découvrir et discuter des contradictions, soulever des questions, chercher des réponses. Elles nécessitent également un enseignant convaincu que les thèmes qu'il enseigne sont importants pour les élèves et prêt à prendre des risques.

La perte de contrôle rend les enseignants vulnérables

On peut leur apprendre à déterminer la métrique d'un poème et les inciter à acquérir cette compétence à l'aide d'un examen. Mais il est impossible de contrôler si les jeunes seront contaminés par l'enthousiasme de leur enseignant pour Rilke, s'ils découvriront la beauté des poèmes et s'ils seront touchés par ceux-ci.

Cette perte de contrôle rend les enseignants vulnérables. Nous connaissons tous cette situation : nous sommes passionnés par un film, une chanson ou un livre, nous pouvons observer les oiseaux pendant des heures ou nous adonner au modélisme, puis nous constatons que nos proches ne s'y intéressent pas du tout et trouvent notre enthousiasme quelque peu embarrassant.

Que peut-on supprimer, même si cela figure dans le programme scolaire ou dans les manuels, parce que dans deux ans, plus personne n'y prêtera attention ?

À ce moment-là, nous nous fermons. De nombreux enseignants qui débutent leur carrière avec enthousiasme font précisément cette expérience. Non seulement avec des élèves qui ne partagent pas leur enthousiasme, mais aussi avec des collègues qui se moquent de leur enthousiasme ou les critiquent en coulisses : « Oui, oui, qu'elle se défoule, elle finira bien par revenir sur terre. »

Ce qui minimise les expériences de résonance

Et puis, il y a certains parents qui réclament souvent des changements, mais qui réagissent immédiatement avec inquiétude et colère aux initiatives courageuses de certains enseignants, se plaignant que la classe parallèle a déjà une leçon d'avance dans le manuel scolaire ou se mettant soudainement à collecter des signatures pour que tout reste comme avant.

La pression du temps, la concurrence, l'esprit de compétition et la peur des erreurs et des détours contribuent également à minimiser les expériences de résonance.

6 questions pour les enseignants sur la résonance

Malgré tout cela, un nombre étonnant d'enseignants parviennent à créer régulièrement de tels moments. Ils ont tous en commun la recherche permanente de réponses à des questions telles que :

• Pourquoi ce que j'enseigne est-il pertinent pour moi et ma classe ? 
• Que pouvons-nous faire de cette matière ? Quel ensemble cohérent peut-on en tirer ? Quels sont les liens avec d'autres thèmes et avec notre quotidien ?
• Où sont les petits moments dans la classe où mes élèves vibrent émotionnellement – par enthousiasme, étonnement, résistance, surprise – et comment puis-je m'appuyer là-dessus ?
• Quels extraits de films, quelles histoires, quels personnages donnent vie à ce sujet et pourraient plaire à ma classe ?
• Pourquoi l'enseignement de ce sujet m'ennuie-t-il autant ? Et comment lui redonner vie à mes yeux ? 
• Que peut-on supprimer, même si cela figure dans le programme scolaire ou dans les manuels scolaires, parce que dans deux ans, plus personne n'y prêtera attention ?