Entre la chaise et le banc
Un enfant passe environ 10 00 heures à l'école jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire. Il n'est donc pas exagéré d'affirmer que l'école est une seconde patrie pour l'enfant - tout comme le foyer parental, elle marquera son parcours de vie. Et ce, dans le meilleur des cas, comme l'école obligatoire s'est elle-même fixée comme objectif : En offrant à l'enfant, indépendamment de son origine, une formation de base qui le prépare aux défis sociaux du 21e siècle.
Après le «choc PISA», l'arpentage
La question de savoir ce qu'il faut pour cela fait l'objet d'un débat qui a valu à l'école obligatoire de nombreuses réformes. «La première étude PISA avait donné l'impulsion à nombre de ces innovations», explique Margrit Stamm, spécialiste des sciences de l'éducation. Certains s'en souviennent : en 2001, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié pour la première fois les résultats du programme international d'évaluation des élèves, auquel 180 00 jeunes de 15 ans de 32 pays avaient participé. L'enquête examinait les compétences en lecture, en mathématiques et en sciences et déterminait dans quelle mesure les pays participants parvenaient à préparer les enfants aux exigences de la société. Les résultats n'ont pas été très flatteurs pour la Suisse, qui s'est retrouvée en milieu de classement.

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Le «choc PISA» a été suivi, entre autres, par l'harmonisation des systèmes scolaires cantonaux, par des objectifs nationaux de formation qui définissent des compétences de base obligatoires ou par des tests de performance standardisés qui évaluent ces compétences de base dans toutes les classes et toutes les écoles. Ce qui était censé améliorer la qualité pédagogique a plutôt conduit à une «culture du test» qui la met mal à l'aise, explique la spécialiste en sciences de l'éducation Stamm. «Dans de nombreux cantons, les enfants de maternelle sont déjà évalués sur la base de catalogues de plusieurs pages. Si quelques croix se trouvent à l'extrémité indésirable de l'échelle, les parents se sentent souvent obligés de s'exercer avec l'enfant», critique-t-elle. «A l'école primaire, d'autres bilans suivent, dont on dit qu'ils sont axés sur les forces, mais qui sont en fait des tests».
Pomme de discorde et porteur d'espoir : le programme scolaire 21
Cette pression de la performance est problématique. Elle conduit à ce que les enfants ne bachotent plus que pour obtenir la moyenne minimale ou passer des examens, selon Stamm : «Cette focalisation sur le produit détourne de la pensée autonome. Elle conduit de nombreux jeunes à ne pas savoir ce qui les intéresse, mais à faire simplement ce qui correspond aux attentes». L'initiative personnelle ou l'organisation personnelle sont alors souvent laissées de côté. Dans ce contexte, le programme scolaire 21 est un pas dans la bonne direction, car il donne plus de poids à de telles compétences, du moins sur le papier. «J'espère que ce sera aussi davantage le cas dans la pratique», déclare Stamm.
La Suisse n'est arrivée qu'en milieu de classement PISA. Ce fut un choc
La nouveauté du programme scolaire 21 est son orientation suprarégionale, mais aussi son orientation vers des compétences dont beaucoup dépassent le cadre cognitif. Ainsi, la gestion de la diversité, l'autoréflexion ou la résolution constructive des conflits font partie des compétences transversales que les enfants doivent acquérir à l'école obligatoire. Le Lehrplan 21 est à la fois porteur d'espoir et pomme de discorde. «Avec cette orientation vers les compétences surchargée d'idéologie, l'école s'est fait un œuf», estime par exemple Allan Guggenbühl, psychologue de la jeunesse et ancien enseignant à la Haute école pédagogique de Zurich. «Ce qui me dérange, c'est que nous partons des attentes du monde des adultes, que nous ne pouvons parfois même pas satisfaire nous-mêmes. Qui peut par exemple prétendre régler les conflits de manière constructive, accepter la critique sans trop d'états d'âme et argumenter toujours de manière objective ? Il n'est pas faux de nourrir de telles attentes - cela devient problématique lorsqu'elles deviennent des qualifications pertinentes pour la réussite scolaire». Et de toute façon, estime Guggenbühl, qui peut encore avoir une vue d'ensemble sur plus de 350 compétences ?
Définir de nouvelles priorités
On peut certes argumenter qu'il y en a trop, estime Beat A. Schwendimann, directeur du centre de travail pédagogique de l'association faîtière des enseignantes et enseignants suisses : «Mais la direction est la bonne». A l'heure de l'automatisation et des algorithmes, il est nécessaire que l'école se fixe de nouvelles priorités, selon lui. «Elle doit encourager ce que les machines ne peuvent pas faire», dit Schwendimann, «la communication, l'empathie, les solutions créatives, la capacité à voir les choses sous différentes perspectives. Ce sont des aptitudes que l'avenir réclame, et dans ce domaine, le Lehrplan 21 est sur la bonne voie avec les compétences transversales».
Selon le programme scolaire 21, les enseignants doivent aller chercher chaque enfant là où il se trouve en fonction de son niveau de développement.
Les réformes scolaires de ces dernières années ne visent pas toutes à améliorer les performances. Nombre d'entre elles sont également l'expression d'une prise de conscience accrue du fait que les enfants apprennent mieux lorsqu'ils sont encouragés en fonction de leurs forces et de leurs faiblesses personnelles. C'est pourquoi l'école du futur, telle qu'elle est prévue par le programme scolaire 21, est placée sous le signe de l'individualisation. Les enseignants doivent donc aller chercher chaque enfant là où il se trouve en fonction de son niveau de développement et organiser son processus d'apprentissage personnel en conséquence. L'individualisation implique en outre de confier aux enfants une partie de la responsabilité de l'apprentissage, par exemple en les laissant fixer eux-mêmes certains objectifs d'apprentissage et les mettre en œuvre de leur propre chef. L'école individualisée se considère en outre comme une école inclusive. Cela signifie que tous les enfants et les adolescents - y compris ceux qui ont besoin d'un soutien particulier - fréquentent ensemble la classe ordinaire.

Alors que certains reprochent à de tels changements de paradigmes de ressembler à un château en Espagne, d'autres estiment qu'ils ne vont pas assez loin. «Le programme scolaire 21 est comme un petit changement de mobilier dans une maison qui aurait besoin d'une reconstruction totale», estime Dani Burg, professeur d'école secondaire à Niederlenz, en Argovie, et ancien directeur d'école. Selon lui, l'orientation sur les compétences permet certes de se détacher quelque peu de la matière enseignée, mais le système de base n'est pas remis en question : «Ce bourrage de crâne avec des contenus qui doivent être restitués à un moment donné et qui sont ensuite oubliés». L'hétérogénéité de la société s'est accentuée et l'école ne tient toujours pas compte de cette réalité.
La critique du système scolaire, telle qu'elle a été exprimée dans les best-sellers du pédiatre Remo Largo, décédé en 2020, du chercheur en neurosciences Gerald Hüther ou du philosophe Richard David Precht, alimente le débat sur le sens et le but de nos institutions de formation. Ce débat suscite parfois de fausses attentes, explique Urs Moser, chercheur en éducation à l'université de Zurich. Ainsi, les paysages d'apprentissage ou l'enseignement par projet sont souvent considérés comme la panacée, tandis que l'enseignement frontal ou les devoirs à domicile sont considérés comme la cause de tous les maux. «Pourtant, ce ne sont que des méthodes», dit Moser, «et nous savons que ce sont des méthodes : Aucune méthode n'est efficace à l'état pur». Selon lui, le terme populaire d'apprentissage auto-organisé est lui aussi entaché de malentendus. «L'apprentissage auto-organisé n'est pas une méthode, mais un objectif pédagogique», explique Moser. «L'école ne peut pas présupposer l'autonomie, elle doit travailler dans ce sens». Cela ne signifie pas seulement laisser les enfants faire leurs propres expériences, cela exige de l'enseignant qu'il ait le sens de la direction au bon moment.
L'égalité des chances, un thème récurrent
C'est ce que confirme la spécialiste en sciences de l'éducation Stamm : «Lorsque les enfants réalisent des projets de leur propre chef, beaucoup d'entre eux ont besoin d'un accompagnement intensif. Ils ont besoin d'un œil vigilant en arrière-plan, qui détecte à temps les besoins de soutien». Cela vaut d'autant plus pour les enfants issus de familles socialement défavorisées. Pour Stamm, la tâche la plus urgente de l'école est de ne pas les laisser prendre encore plus de retard : «Nous avons affaire à un nombre considérable d'enfants qui ne peuvent pas réaliser leur potentiel intellectuel parce que les conditions à la maison ne sont pas bonnes. Les mesures contre cette injustice n'ont pas la priorité qu'elles méritent». Certes, les enfants issus de milieux peu instruits ont des difficultés dans tous les pays germanophones, mais des études montrent qu'en Suisse, l'hérédité sociale de l'éducation est particulièrement marquée. «C'est là», dit Stamm, «que réside le plus grand défi pour l'école de demain».
Margrit Stamm : «C'est dans l'égalité des chances que réside le plus grand défi pour l'école de demain».
La politique place de grands espoirs dans les écoles à horaire continu en ce qui concerne l'égalité des chances : On espère que les enfants issus de familles défavorisées combleront au moins une partie de leurs déficits s'ils peuvent apprendre, faire leurs devoirs et passer leur temps libre dans un environnement scolaire. Des études récentes, comme celles menées par l'Université de Berne en 2017, ont mis un bémol à cet espoir : elles n'apportent aucune preuve que les structures à temps plein réduisent les inégalités en matière d'éducation et soulignent dans ce contexte qu'il ne suffit pas que les enfants soient seulement gardés sans bénéficier d'un soutien pédagogique ciblé.
Les écoles à horaire continu sont de plus en plus importantes dans l'optique de la conciliation de la vie familiale et professionnelle. La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique prévoit pour toutes les écoles obligatoires «une offre de structures de jour adaptée aux besoins». Leur utilisation reste toutefois facultative et payante pour les responsables de l'éducation. Ces dernières années, l'offre de structures ou d'écoles de jour - les appellations varient selon les cantons - a été continuellement développée. Une enquête menée au niveau cantonal durant l'année scolaire 2019/20 montre toutefois que la mise en œuvre est globalement plutôt lente : En dehors de la Suisse romande, où les écoles à horaire continu sont la norme, les offres se trouvent majoritairement dans des cantons très peuplés et dominés par de grandes villes comme Zurich, Berne ou Bâle-Ville.
Comment réussir à l'école ?
Le psychologue Fabian Grolimund est convaincu que beaucoup de choses ont été faites sur le chemin d'une école adaptée aux enfants. Pour atteindre l'objectif, il faut un engagement à tous les niveaux.
Enregistré par Virgina Nolan
Fabian Grolimund sur...... l'école tournée vers l'avenir
L'école se conçoit aujourd'hui comme un lieu d'apprentissage et de vie, et nombre de réformes récentes sont placées sous le signe d'une école adaptée aux enfants. Le problème, c'est que leur réussite dépend fortement de l'engagement de certains enseignants qui agissent par conviction, mais qui sont peu soutenus. On veut beaucoup de l'école, mais on n'est pas prêt à investir au niveau politique. C'est ainsi que des écoles spécialisées sont fermées au nom de l'inclusion, alors que les écoles publiques ne sont pas suffisamment préparées pour les enfants ayant des besoins particuliers. L'individualisation n'est pas non plus pensée jusqu'au bout : les enseignants doivent encourager les enfants en fonction de leur niveau de développement, mais en même temps, lors des examens, on attend de tous qu'ils sachent faire la même chose en même temps. Il manque largement des formes d'évaluation qui permettent une véritable individualisation - et du matériel pédagogique adapté aux différents niveaux de performance. Pour qu'une école orientée vers l'avenir ne reste pas bloquée à mi-chemin, il faut que la politique comprenne qu'elle n'est pas réalisable à coût nul.
... un enseignement individualisé
En Suisse, la population a une grande influence sur le système scolaire, elle a par exemple pu voter sur le programme scolaire. Les écoles et les enseignants disposent également d'une plus grande marge de manœuvre qu'en Allemagne par exemple. Il faut en profiter, car elle offre aux écoles la chance de s'adapter à leurs conditions individuelles, données par le lieu, les élèves et les enseignants, et de développer leur propre profil.
Plus une école s'intéresse à ses membres et à leurs besoins, plus elle s'engage activement dans cette voie. Qu'est-ce qui fait une bonne école ? Une bonne école se pose elle-même cette question et développe une idée des prochaines étapes à franchir pour y parvenir. Pour ce faire, il est conseillé de ne pas se disperser sur le plan thématique, mais de se mettre d'accord sur une priorité en termes de contenu. Par exemple, l'enseignement individualisé peut être l'objectif quinquennal vers lequel la direction de l'école et les enseignants travaillent ensemble, tout en étant conscients qu'un processus de développement constant est nécessaire pour y parvenir.
... les compétences sociales
L'école devient de plus en plus individuelle, la diversité qui y est vécue est plus grande. Les enseignants doivent donc s'assurer qu'un enfant est capable de s'intégrer dans une communauté : qu'il est capable de s'identifier aux autres et de mettre ses propres besoins de côté, qu'il peut faire des compromis ou accepter la critique. Pour que l'apprentissage commun se poursuive à l'avenir, il est important que les parents ne délèguent pas le thème des compétences sociales à l'école, mais qu'ils donnent toujours à leurs enfants l'occasion de s'exercer à ces capacités. En outre, il est utile que les mères et les pères aient des attentes réalistes : L'école ne doit pas être parfaite, mais suffisamment bonne. Les enfants s'épanouissent même si les conditions ne sont pas complètement optimales.