Comment j'ai trouvé mon ami au Chindsgi
Mon plus vieil ami s'appelle Patrick. Nous nous sommes rencontrés dans le bac à sable de l'école maternelle et l'alchimie a été immédiate. Dans mon souvenir, il s'est soudain retrouvé devant moi, nous nous sommes brièvement reniflés comme de jeunes chiens, puis nous avons décidé spontanément et simultanément que nous étions amis. On a beaucoup écrit dans la littérature mondiale sur le coup de foudre, mais pas un mot sur la capacité vraiment étonnante des enfants de maternelle à se faire des amis.
Mais pourquoi les enfants s'aiment-ils ? Sur quels critères se base-t-on pour nouer une amitié à l'âge de quatre ans ? Une étude, considérée comme un classique en psychologie du développement, s'est penchée sur la question : 36 enfants âgés de trois à neuf ans - qui ne se connaissaient pas auparavant - ont été répartis en groupes de deux et se sont rencontrés trois fois pour jouer. Les chercheurs ont constaté que cela fonctionnait à chaque fois que les enfants pouvaient s'amuser ensemble.
Nous avions d'autres points communs : une aversion pour le riz au lait et le rangement et un goût pour les histoires fantastiques.
C'est bien sûr plus complexe qu'il n'y paraît. Pour s'amuser, les deux enfants doivent se comporter de manière à convenir à l'autre, maîtriser l'exercice d'équilibre entre gentillesse et envie de plaire, et d'une certaine manière, la notion de plaisir (ou de répulsion) doit être polarisée de la même manière. Il s'agit, concluent les chercheurs, de similitudes, de voir le monde avec les mêmes yeux, mais aussi de savoir comment nous nous sentons en présence de l'autre.
Ce qui lie les amis
Outre la taille, Patrick et moi avions d'autres points communs : une aversion pour le riz au lait et le rangement, et une préférence pour les histoires fantastiques. «Tu vois cet homme en bas, au bord du lac», me chuchota un jour Patrick, alors que nous regardions prudemment par-dessus la clôture du jardin d'enfants, «il a sorti un sac en plastique de l'eau tout à l'heure. Probablement un cadavre».
Patrick, et je l'ai tout de suite aimé pour cela, semblait avoir intégré le fait que la vérité est trop ennuyeuse pour qu'on n'y ajoute pas quelques bonnes histoires. Nous nous racontions des histoires de brigands, qui n'étaient pas des histoires à dormir debout, mais l'expression d'une aspiration à ce qu'il y ait plus que ce que la réalité peut offrir. Un désir qui ne m'a jamais vraiment quitté jusqu'à aujourd'hui et qui me fait souvent penser à Patrick, dont la réalité a toujours été un mélange de fantaisie et de soie. En sa présence, il me semblait que je voyais le monde un peu différemment. La normalité devenait absurde, le gris coloré, le tragique comique. Souvent, c'était aussi l'inverse.
Nous avons fréquenté la même école pendant un certain temps, puis il est parti avec sa famille. Des années plus tard, nous nous sommes revus à Berlin. J'étais différent, il était différent. Puis je suis partie. Je suis revenu. Je suis reparti.
Nous nous sommes vus sporadiquement, mais nous nous sommes toujours retrouvés, dans nos pensées et dans la vie réelle. Parce qu'une partie de moi est toujours le garçon dans le bac à sable qui souhaite que quelqu'un apparaisse, qui voit aussi des fantômes entre les arbres.