Une merveilleuse amitié de quarantaine
Nous préférerions à l'avenir nous passer du charme cassant de la quarantaine, telle est sans doute la conclusion de la plupart d'entre nous après des semaines de confinement. Mais la pandémie a aussi donné lieu à de belles histoires, et j'aimerais en raconter une.
En temps normal, ma mère traverse chaque semaine la moitié de la Suisse pour garder ses petits-enfants. Mais à la mi-mars, c'était fini, car le Conseil fédéral le voulait ainsi. Elle est restée à la maison et n'a plus vu personne de près pour l'instant.
Mais elle vit dans un quartier ouvert, avec de nombreuses familles et de gentils voisins qui font leurs courses pour elle ou qui viennent bavarder sur la clôture de sa terrasse. Sur la terrasse, ma mère cultive ses fleurs et ses herbes aromatiques. Elle donne en outre sur le chemin du quartier et, grâce au beau temps, ma mère y a donc passé beaucoup de temps pendant la quarantaine.
Un vendredi après-midi ensoleillé, elle était également assise là avec moi, nous buvions un café à bonne distance. C'est alors qu'un garçon de peut-être quatre ans est apparu à la clôture avec son vélo. Il portait une casquette de baseball beaucoup trop grande et regardait par-dessous la visière avec ses yeux en boutons. Ma mère lui a dit bonjour, il m'a salué en retour et m'a observé en silence, avant de retourner lentement sur le trottoir avec son vélo.
«Quand est-ce que tu repars, au fait ?» Manifestement, il attendait que ma mère ait à nouveau du temps pour lui.
Puis ma mère m'a raconté l'histoire de cette amitié. Pendant la quarantaine, le petit garçon s'est présenté un jour chez elle à la clôture avec son vélo. Il lui a demandé comment elle s'appelait, elle lui a répondu et il lui a dit qu'il pouvait déjà rouler sans casque avec son vélo. Elle lui a alors dit qu'il devait être prudent.
Le petit garçon habite avec son père dans la cité, m'a raconté ma mère. Il se sentait peut-être comme la cinquième roue du carrosse en leur présence et venait donc leur rendre visite.
Bref, il est revenu. La deuxième fois, il lui demanda si elle se souvenait de ce qu'ils avaient dit la dernière fois. Elle a répondu par l'affirmative. «Mon papa dit qu'il te connaît», lui a-t-il alors dit, et elle a répondu : «Oui, moi aussi».
La fois suivante, alors qu'il avait plu pendant quelques jours, il lui a demandé pourquoi elle n'était pas sortie. Il ne la voyait plus que par la fenêtre. Elle répondit qu'elle était déjà sortie, qu'elle l'avait même vu lors d'une promenade. Avec son papa, il se trouvait en bas, près du terrain de football. Ils discutèrent à nouveau à travers le grillage.
On ne pourrait pas inventer plus beau
Cet après-midi-là, alors que j'étais assise sur la terrasse chez ma mère, il n'a pas fallu longtemps pour que le garçon revienne. Il se tenait à nouveau près de la clôture et nous regardait, moi en particulier. Puis il a demandé innocemment : «Quand est-ce que tu repars, au fait ?» Manifestement, il attendait que ma mère ait à nouveau du temps pour lui. De toute façon sur le qui-vive, je lui ai expliqué que je partais tout de suite et j'ai laissé le champ libre au petit.
Une amitié entre une grand-mère de sept ans et un petit garçon de quatre ans au printemps de la quarantaine - on ne pourrait pas inventer plus belle histoire.