«Pour beaucoup de femmes, ce jugement est une gifle».
C'était révolutionnaire : «Le Tribunal fédéral réinvente le mariage», a titré le «Tages-Anzeiger» après le verdict. Un cas du canton de Soleure a fait pencher la balance en faveur de la nouvelle jurisprudence sur le mariage : une mère de trois enfants âgée de 45 ans avait géré sa famille pendant plus de dix ans et renoncé à sa propre carrière au profit de son mari.
Le divorce a suivi onze ans plus tard. La femme a estimé qu'un retour à la vie active n'était pas raisonnable. Le tribunal de district de Soleure a toutefois décidé que si elle ne parvenait pas à réintégrer sa branche d'origine, il faudrait envisager un emploi à temps partiel dans un autre domaine, par exemple dans les soins ou le commerce de détail. La femme s'est opposée à cette décision en arguant qu'elle avait presque 45 ans au moment de la séparation, qu'elle était donc soumise à la «règle des 45 ans» en vigueur et qu'elle avait droit à une pension alimentaire jusqu'à l'âge de la retraite. La Cour suprême et la Cour fédérale ont suivi le jugement du tribunal de district. Et ont ainsi fait voler en éclats la formule rigide du droit à une pension alimentaire.
Madame Nägeli, le Tribunal fédéral renvoie les femmes divorcées à leur travail. Que pensez-vous de cet arrêt ?
En tant qu'avocate, je défends toujours les intérêts d'un client ou d'une cliente. Mon opinion personnelle n'est pas pertinente. En tant qu'avocate, ce qui me dérange dans ce jugement, c'est que «le terrain est défriché par derrière». Ceux qui ont opté pour un modèle familial traditionnel il y a dix ou quinze ans partaient alors de tout autres prémisses. Je trouve un peu étrange que l'on soit «puni» rétroactivement pour un choix antérieur. La modernisation devrait venir de la société et non pas être imposée par le tribunal.

De nombreux hommes devraient se réjouir de la nouvelle jurisprudence.
Comme on le sait, tout a deux côtés. Prenons l'exemple d'un homme au revenu moyen dont le désir de séparation et de divorce est venu de sa femme. Un jour, elle aura peut-être un nouveau partenaire. Chez l'homme, l'enthousiasme à soutenir son ex-femme qui ne travaille pas jusqu'à la retraite sera limité.
Quel est l'objectif du Tribunal fédéral avec cet arrêt ?
La situation actuelle n'est pas aussi nouvelle qu'il n'y paraît maintenant. Le principe du «clean break», en vigueur depuis l'introduction du droit du divorce en 2000, stipule qu'après le divorce, chaque époux doit en principe subvenir à ses propres besoins. Sauf si le mariage a créé des «circonstances déterminantes pour la vie». Parmi ces circonstances figuraient le fait que le mariage ait duré dix ans et/ou que l'un des conjoints - le plus souvent l'épouse, en raison de la garde des enfants - n'ait pas exercé d'activité professionnelle. C'était un premier petit pas vers la modernisation.
Ceux qui vivaient auparavant dans un modèle familial traditionnel ne pourront pas se réorganiser du jour au lendemain.
Comment le droit du divorce a-t-il été adapté au cours des dernières années ?
Depuis 2018, le modèle des degrés scolaires est en vigueur, c'est-à-dire la règle selon laquelle il est raisonnable pour les deux parents de travailler à 50 pour cent dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école maternelle, à 80 pour cent à partir du collège et à temps plein à partir de 16 ans révolus. La garde alternée, qui a également des conséquences financières, est apparue à peu près au même moment. Le jugement actuel est simplement encore un peu plus sévère et doit être considéré comme faisant partie d'un grand ensemble.
Désormais, il faut toujours partir du principe qu'une activité professionnelle est raisonnablement exigible, pour autant qu'une telle possibilité existe effectivement et qu'il n'existe pas de motifs d'empêchement, comme par exemple la garde d'enfants en bas âge. Ce sont les conditions réelles du cas d'espèce qui sont déterminantes et donc, entre autres, des critères tels que l'âge, la santé, les activités antérieures, la flexibilité personnelle ou la situation sur le marché du travail.
D'autre part, le Tribunal fédéral a développé la notion de mariage déterminant pour la vie, qui donne droit, en cas de divorce, au maintien du niveau de vie conjugal antérieur. Jusqu'à présent, on considérait qu'un mariage avait marqué la vie d'une personne dès qu'il avait duré dix ans ou - indépendamment de cela - lorsqu'il y avait un enfant commun. Selon la nouvelle définition, un mariage est déterminant pour la vie lorsqu'un époux a renoncé à son indépendance économique au profit de l'entretien du ménage et de la garde des enfants et qu'il ne lui est donc plus possible, après de longues années de mariage, de renouer avec sa position professionnelle antérieure, alors que l'autre époux a pu se concentrer sur son avancement professionnel compte tenu de la répartition des tâches entre les époux. (Source : Tribunal fédéral, 9 mars 2021)
C'est précisément la garde alternée qui fait régulièrement l'objet de critiques.
Pas à tort. Bien sûr, l'idée d'une prise en charge à 50/50 des enfants après un divorce est positive. Mais la réalité est souvent différente. Celui qui vivait auparavant un modèle familial traditionnel ne pourra pas se réorganiser du jour au lendemain. S'ajoute à cela le fait que la garde par des tiers est considérée de la même manière que la garde par soi-même. Les parents qui optent pour le modèle traditionnel le font souvent aussi parce qu'ils ne veulent pas faire garder leurs enfants par des tiers.
Si, après le divorce, l'un des parents est contraint de reprendre le travail et de laisser les enfants à l'autre parent, qui les fait garder par des tiers, on peut comprendre les doutes que suscite ce système. Pour quelqu'un qui s'est occupé des enfants à cent pour cent pendant des années, c'est une gifle d'apprendre à quel point cela n'est pas valorisé.
Qu'est-ce que cela signifie pour les enfants ?
Cela aussi doit être examiné au cas par cas. Ce n'est pas non plus que la garde par des tiers soit fondamentalement mauvaise pour les enfants ou qu'ils en souffrent en soi lorsque les deux parents travaillent. Mais il s'agit plus d'un problème psychologique que juridique.

Après des années d'absence du travail appris et à un certain âge, il est difficile de se réinsérer. Que conseillez-vous aux femmes dans un tel cas ?
J'ai constaté qu'après une longue absence, beaucoup ne sont pas intéressés par un retour à leur poste initial. Ils envisagent très volontiers une reconversion ou une nouvelle formation. La situation financière du mari joue un rôle dans la question du financement. Si celles-ci le permettent, on pourrait par exemple se mettre d'accord sur le versement d'une pension alimentaire jusqu'à la fin de la reconversion.
Et si ça ne marche pas ?
Selon la décision du Tribunal fédéral, il est alors possible d'exiger que l'ex-épouse prenne un emploi temporaire pour assurer la transition.
Dans ma vie quotidienne, il est extrêmement rare qu'une personne ne soit pas intéressée à reprendre le travail après une séparation.
Il est régulièrement question des fameuses «circonstances particulières» qui donnent lieu à des exceptions. Quelles pourraient être ces circonstances ?
Si, par exemple, une femme a eu ses enfants très tard, c'est plutôt le modèle des étapes scolaires qui s'applique que le principe selon lequel on peut reprendre le travail à temps plein à 45 ans. Les personnes qui ont un enfant handicapé et dont la capacité de travail est donc limitée font également l'objet d'une évaluation séparée.
Revenons au cas dont il est question dans le jugement actuel du Tribunal fédéral : y aurait-il eu une astuce juridique que la femme aurait pu utiliser pour ne plus devoir travailler ?
Dans ma vie quotidienne, il est extrêmement rare qu'une personne ne soit pas intéressée par le fait de retravailler après une séparation. La plupart d'entre elles souhaitent voler de leurs propres ailes. Beaucoup doivent s'accommoder du fait que le travail accompli jusqu'ici pour élever les enfants n'est pas valorisé et que le retour à la vie professionnelle peut être long et pénible.
Le jugement a-t-il également des conséquences pour les couples non mariés ?
Pas vraiment. Depuis quelques années, il existe une pension alimentaire pour la garde des enfants, selon laquelle les parents qui n'ont pas de tâches de garde paient une pension alimentaire. Celle-ci est toujours en vigueur, mais ne couvre en principe que le minimum vital du parent qui s'occupe de l'enfant.
Conseilleriez-vous aux couples qui souhaitent se marier et fonder une famille aujourd'hui de signer un contrat qui règle tout ?
Un tel contrat serait plus une déclaration d'intention qu'un règlement contraignant. Il n'est pas dit qu'il soit encore valable au moment du divorce. Par exemple, si l'un des partenaires gagne alors beaucoup plus ou beaucoup moins qu'au moment où le contrat a été conclu.
Conseils pratiques de Caterina Nägeli
- Soyez réalistes ! «On ne se sépare jamais», ça n'existe pas ! Dans ce contexte, il faut réfléchir sérieusement, au moment du mariage, à ce que l'on veut et à la manière dont on se répartit les tâches.
- «En principe, je conseillerais à tout le monde de ne pas trop dépendre de son ou sa partenaire, si cela est possible. Même si l'on a peut-être l'impression sur le moment que cela ne vaut pas la peine de travailler - à long terme, ce sera de toute façon un avantage».
- Si l'on souhaite malgré tout opter pour le modèle traditionnel : «Quitter complètement la vie professionnelle est à mon avis la pire des options. Il est peut-être possible de garder un pied dans la porte. Avec un faible taux d'occupation, des mandats individuels en tant qu'indépendant ou encore avec des formations continues pour rester à jour. Après tout, c'est aussi amusant».
- Mettre le partenaire à contribution ! «On peut aussi assumer des tâches éducatives en travaillant à 100 %».
- Pour ceux qui sont sur le point de se séparer ou de divorcer : s'informer ! «L'avantage, c'est qu'après une séparation, on dispose de deux ans avant le divorce. On peut les utiliser pour réfléchir à ce que l'on veut, à ce qui se passe dans l'environnement professionnel, aux formations qui nous intéresseraient, si l'on a des idées qui pourraient être mises en œuvre. Et il faut absolument se faire conseiller et demander de l'aide, que ce soit auprès d'un conseiller professionnel ou d'un conseiller juridique».