Madame Lannen, Monsieur Jenni, les livres sur les couples sont légion. Pourquoi en créer un autre ?
Lannen : Ce livre n'est pas un guide classique, mais plutôt un guide pour les discussions entre parents. Il existe certes de nombreuses cartes de conversation et jeux de questions pour les couples, mais les enfants n'y sont généralement pas mentionnés. Or, les enfants occupent une place importante dans les pensées et le quotidien des parents. Notre livre comble cette lacune.
Jenni : Lors de mes consultations, je me suis souvent demandé : que font ces parents pour que leur couple fonctionne bien ? Jusqu'à présent, je ne disposais pas d'outil à leur proposer pour les aider à renouer le dialogue. Quelque chose qui les aide à réfléchir à leur vie de couple et à leur relation avec leur enfant, et à les renforcer.
Comment les 101 questions ont-elles vu le jour ?
Jenni : Nous étions au restaurant et avons commencé à griffonner les premières versions des questions sur la carte pendant le repas. Nous avons réfléchi aux différents rôles que jouent les couples qui ont des enfants. C'est ainsi que nous avons abouti aux quatre catégories suivantes : être en couple, être parent, être enfant et être une famille. Puis, nous avons complété les questions au fil des mois et les avons retravaillées à plusieurs reprises.
Lorsque les enfants voient et sentent que leurs parents se traitent avec respect, cela constitue un terrain d'apprentissage précieux pour eux.
Patricia Lannen
Lannen : Nos expériences personnelles ont certes influencé les questions, mais nous les avons formulées principalement à partir de nos connaissances spécialisées. Quels sont les concepts existants en psychologie du développement ? Quelles sont les tâches de développement des enfants ? Comment les parents peuvent-ils les accompagner ?
Il ne s'agit donc pas de questions générales telles que : « Quel est ton plat préféré ? »
Jenni : Les questions visent à susciter un dialogue approfondi entre les parents. Par exemple : pourquoi m'aimes-tu ? Quelles situations gérons-nous différemment ? Qu'est-ce qui a fortement marqué notre enfant ? Elles ont pour but d'aider les parents à engager un échange qui va au-delà de la question de savoir qui va chercher l'enfant à la crèche ou s'occupe de ses devoirs.
Lannen : Notre livre encourage également à voir le monde du point de vue de l'autre et à apprendre les uns des autres, ce qui se perd rapidement dans le tumulte du quotidien. Quand on comprend l'autre, il est beaucoup plus facile d'être aimable les uns avec les autres.
Le livre a quelque chose de ludique et est très coloré. L'ordre dans lequel un couple se pose les questions est-il libre ?
Lannen : Oui , tout à fait. Toutes les questions ne sont pas pertinentes à tout moment. Parfois, une question ne convient tout simplement pas, alors on la laisse de côté. Les lectrices et lecteurs décident eux-mêmes ce qu'ils souhaitent partager ou non.
La communication est comme un muscle qu'il faut entraîner.
Oskar Jenni
Comment utiliser ce livre ? Le poser sur sa table de chevet et choisir une question chaque soir avant de se coucher ?
Lannen : Ce serait une possibilité. Les rituels communs sont très précieux, tant pour le couple que pour les enfants et toute la famille. Chaque couple doit trouver par lui-même la manière dont il souhaite utiliser le livre. Nous ne donnons aucune consigne à ce sujet.
Jenni : D'après notre expérience, beaucoup de parents ne savent pas de quoi parler lorsqu'ils ont enfin du temps à consacrer à leur couple. Le dialogue ne s'engage pas, car ils ne savent pas par où commencer. Le livre peut leur donner des idées de manière originale.
Lannen : Le mieux est de commencer dans une phase calme et détendue. Cela permet de disposer d'une réserve sur laquelle on peut compter lorsque les choses se compliquent.
Jenni : La communication est comme un muscle qu'il faut entraîner. C'est pourquoi nous avons décrit dans le livre quelques règles qui favorisent un échange constructif.
Par exemple ?
Lannen : exprimer ses pensées et ses sentiments dans des messages à la première personne, communiquer les aspects négatifs de manière respectueuse et sans agressivité, et écouter attentivement son interlocuteur sans l'interrompre constamment.
Il faut pouvoir créer un espace sûr et savoir que tout ce que l'on partage ici est en sécurité.
Patricia Lannen
Jenni : Écouter aussi, ça s'apprend. Au lieu de réagir tout de suite avec un contre-argument comme « Non, c'est pas vrai ! », il faut prendre le temps de réfléchir, accepter ce qui a été dit et poser des questions ciblées.
Lannen : Par exemple : « Je n'ai pas tout à fait compris. Pourrais-tu m'en dire plus ? » Une erreur fréquente dans la communication est de généraliser, par exemple avec des phrases telles que : « Tu es toujours comme ça. Tu dis toujours ceci ou cela. » Il vaut mieux se référer à une situation concrète : « Dans cette situation, je me suis senti comme ça. »
Qu'y a-t-il d'autre d'important ?
Lannen : Il faut un espace sûr. Il faut pouvoir créer un espace sûr et savoir que tout ce que je partage ici est en sécurité. Cela signifie que ce qui est dit dans le cadre d'un échange ouvert ne sera pas utilisé contre moi dans une situation tendue.
Jenni : Ce livre ne remplace pas une thérapie. Si des problèmes graves apparaissent, les personnes concernées doivent absolument demander de l'aide.
Avec la naissance du premier enfant, la qualité de la relation d'un couple diminue rapidement.
Oskar Jenni
Ce livre n'est-il pas plutôt réservé aux parents privilégiés qui ont les moyens de lui consacrer de l'espace ?
Jenni : Non, je pense même que c'est extrêmement important pour tous les parents. C'est particulièrement crucial pour ceux qui sont très sollicités de prendre du temps l'un pour l'autre.
Malgré tout, comment incitez-vous les parents à prendre régulièrement le temps pour un tel échange dans le quotidien familial trépidant ?
Lannen :Les parents sont longtemps les modèles les plus importants pour leurs enfants . Lorsque les enfants voient et sentent que leurs parents entretiennent des relations respectueuses et affectueuses entre eux, et qu'ils apprennent également à gérer les tensions, cela constitue pour eux un précieux terrain d'apprentissage.
Jenni : Il ne faut pas oublier que la relation de couple a une influence considérable sur le développement et le bien-être de l'enfant. Des parents forts ont des enfants heureux. Et comme la qualité de la relation d'un couple diminue rapidement avec la naissance du premier enfant, les parents ont tout intérêt à s'y prendre tôt.
Alors, ce livre fait déjà partie de la préparation à l'accouchement ?
Jenni : Exactement, ce livre devrait se trouver dans la valise de maman, afin que les futurs parents puissent le lire avant la naissance.
Informations sur le livre
Une question est : « Où nous vois-tu dans 20 ans ? » N'est-ce pas un horizon un peu trop lointain ?
Lannen : Beaucoup de couples se demandent où ils en seront dans cinq ou dix ans, c'est-à-dire à moyen terme. Se projeter dans une autre phase de la vie peut ouvrir de toutes nouvelles perspectives, révéler des désirs inattendus et créer des possibilités inédites. Nous comprenons le « nous » comme une invitation à se demander : où veux-tu aller pour toi seul ? Où est-ce que je veux aller ? Et où voulons-nous aller ensemble, en tant que couple ?
Jenni : Cette question est également intéressante pour les couples qui sont ensemble depuis longtemps et qui se connaissent bien. Souvent, on part du principe tacite que l'on sait exactement ce que l'autre veut ou comment il voit les choses. Or, les gens changent tout au long de leur vie.
Nous aimerions vous poser personnellement trois questions tirées du livre. La première, qui préoccupe certainement de nombreux parents, est : « Comment créer des îlots pour les couples ? »
Lannen : Chez nous, c'est le quart d'heure pendant lequel nous buvons notre café le matin, avant que les enfants ne se réveillent. Nous prenons ce moment de manière tout à fait consciente. Ou bien nous restons souvent assis un quart d'heure de plus après le dîner pour discuter. Le dimanche soir, nous parlons généralement de ce qui nous a marqués au cours de la semaine écoulée et de ce qui nous attend dans les jours à venir.
Jenni : Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une soirée fixe par semaine sans les enfants, ni même un week-end en tête-à-tête. Prendre régulièrement quinze minutes pour se consacrer consciemment à son couple fait déjà une grande différence.
Question suivante : « Qu'est-ce qui t'a le plus surpris dans ton rôle de parent ? »
Lannen : Je suis encore aujourd'hui étonnée de voir à quel point mes enfants sont différents : ce qui convient à l'un ne convient pas du tout à l'autre. En tant que mère, cela me pose sans cesse des défis. C'est pourquoi nous avons délibérément formulé les questions du chapitre consacré à l'enfant au singulier. Il faut y répondre individuellement pour chaque enfant.
En tant que parents, il faut apprendre à laisser passer certaines attentes, en particulier celles que l'on a envers ses propres enfants.
Oskar Jenni
Jenni : Ce qui m'a le plus surpris, c'est à quel point la parentalité m'a changé. Quand j'étais jeune, j'étais très actif et dynamique. En devenant père, j'ai appris à développer la sérénité comme attitude fondamentale. La sérénité ne signifie pas être passif ou indifférent, mais plutôt laisser passer certaines attentes, en particulier celles que l'on a envers ses propres enfants. Il s'agit d'accepter que tout ne se passe pas toujours comme on le souhaite et d'apprendre à réguler ses propres émotions et ses propres peurs.
Troisième question : « Dans quelles situations es-tu entièrement disponible pour ton enfant ? »
Lannen : Pour moi, ce sont les innombrables heures que j'ai passées à jouer à des jeux de rôle avec mes enfants, par exemple en tant que grenouille ou en tant que connaissance fortuite qui est devenue l'amie de ma fille. En plongeant dans des mondes imaginaires communs, j'ai senti que mes enfants se sentaient aimés et considérés. Maintenant qu'ils sont adolescents, pour mon fils, ce sont les moments où nous sommes assis ensemble sur le canapé sans rien faire, mais simplement pour être ensemble et discuter. Pour ma fille de 17 ans, qui est déjà très indépendante, je suis joignable à tout moment et je réagis même au milieu d'une réunion si elle m'appelle. À ce moment-là, je suis entièrement là pour elle ; ensuite, sa vie et la mienne reprennent leur cours normal.
Jenni : Avant , c'était les moments avant de s'endormir où j'étais particulièrement proche de mes fils. Aujourd'hui, en tant que jeunes adultes, ils ont besoin de moi d'une manière complètement différente. Ils viennent souvent me voir à l'improviste lorsqu'ils ont besoin de conseils ou de soutien. Je dois accepter qu'ils ne me contactent que lorsqu'ils ont vraiment besoin de moi. On parle souvent de Chronos, le temps qui passe, et de Kairos, le moment opportun. Alors que Chronos est particulièrement important pour les jeunes enfants, c'est Kairos qui prime chez les adolescents.
N'a-t-on jamais envisagé de répondre également aux questions ?
Jenni : Nous y avons réfléchi, mais nous avons rapidement rejeté cette idée, car chaque couple doit écrire sa propre histoire avec ses réponses.
Lannen : Pour la plupart des questions, il n'est tout simplement pas possible de donner une réponse générale. Par exemple : « Pourquoi m'aimes-tu ? » Heureusement, il existe mille réponses à cette question.
On ne soulignera jamais assez qu'entretenir une relation demande beaucoup de travail. C'est une question d'entraînement et de persévérance.
Lannen : Exactement , et quel est ce travail ? Le travail consiste à prendre du temps l'un pour l'autre. Et à échanger.
