Comment protéger les enfants contre les abus sexuels ?
Madame Lavoyer, est-ce vraiment le méchant inconnu qui représente le plus grand danger pour nos enfants ?
Non, ce n'est pas vrai. Selon des études, plus de 95 pour cent des agresseurs proviennent de l'environnement proche de l'enfant concerné. Il peut s'agir du père, du parrain ou de la voisine. Il est toutefois vrai que la majeure partie - environ 90 pour cent - des actes de violence sexuelle commis sur des enfants sont le fait d'hommes.

Y a-t-il des enfants qui sont particulièrement vulnérables ?
En principe, tout enfant peut être victime de violences sexuelles, aussi courageux, éclairé et sûr de lui soit-il. Un enfant n'a aucune chance face à un adulte manipulateur qui veut profiter de lui.
Chaque enfant peut être victime de violences sexuelles
Agota Lavoyer
Or, certains enfants présentent un risque plus élevé de subir des violences sexuelles. On sait que les enfants négligés et handicapés courent un risque plus élevé de subir des violences sexuelles. Les enfants qui ont déjà subi des violences, par exemple des violences psychologiques ou physiques au sein de la famille, présentent également un risque plus élevé.
Comment expliquer la violence sexualisée à un enfant :
(Source : «Est-ce que ça va ?» Un livre spécialisé pour les enfants sur la prévention de la violence sexualisée).
Existe-t-il des signes avant-coureurs pour les parents ou les enseignants indiquant qu'un enfant souffre de violences sexuelles ?
Tant qu'un enfant n'a pas parlé de lui-même de la violence, on n'a en fait aucune chance d'en remarquer une. De nombreux parents se reprochent après coup de n'avoir rien remarqué. Il ne faut pas oublier que les enfants sont soumis à une énorme pression pour garder le silence et qu'ils sont également confrontés à un grand conflit de loyauté, car ils ne veulent souvent pas nuire à l'auteur des violences.
On ne peut pas laisser à l'enfant le soin de découvrir quand ses limites sont dépassées.
Agota Lavoyer
Les enfants aussi ont des stratégies de survie et le silence ou le refoulement en font partie. C'est une erreur dangereuse de penser que les parents ne doivent aborder le sujet que lorsqu'ils remarquent que leur enfant subit des violences sexuelles. Or, la protection des enfants doit commencer bien plus tôt, bien avant une éventuelle agression.
Le savoir protège : Environ un enfant sur 7 subit des violences sexuelles
C'est là qu'intervient votre nouveau livre : "Est-ce que ça va ?" est un ouvrage spécialisé pour les enfants sur la prévention de la violence sexualisée. A qui s'adresse votre ouvrage et en quoi se distingue-t-il des autres livres de prévention ?
Au cours de ma longue expérience en tant que conseillère d'aide aux victimes et dans le travail social en milieu scolaire, j'ai appris à connaître les livres de prévention les plus divers et j'ai constaté qu'aucun d'entre eux ne décrit de manière suffisamment concrète ce qu'est la violence sexuelle. Je suis d'avis qu'il faut expliquer concrètement aux enfants ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
On ne peut pas laisser à l'enfant le soin de découvrir quand ses limites sont dépassées. Parallèlement, nous, les adultes, sommes responsables de la protection des enfants. Nous devons toujours et encore thématiser les comportements violant les limites et la violence sexuelle et développer une attitude claire à ce sujet.
Mon livre s'adresse aux parents et aux autres personnes qui s'occupent d'enfants âgés de six à douze ans environ.

En tant que mère, quand dois-je parler d'abus sexuels à mon enfant ? Je ne veux pas l'effrayer inutilement, mais je ne veux pas non plus attendre.
Dans mon livre, je présente différentes situations de la vie quotidienne dans lesquelles une discussion sur la violence sexuelle peut avoir lieu de manière tout à fait détendue. Par exemple, lorsque mes enfants mettent leur pyjama, je leur ai déjà demandé s'ils étaient d'accord pour que je les prenne en photo. Et je leur ai expliqué que ce n'était pas bien de les photographier nus, même en tant que mère ou personne «chère».
Si les adultes parlent naturellement de la vulve et du pénis, les enfants le feront aussi. Cela favorise leur perception de leur corps.
Agota Lavoyer
Et je demande de temps en temps à mon fils de 11 ans s'il veut encore que je l'embrasse. Et je lui dis que ce n'est pas grave s'il ne se sent plus à l'aise pour me le dire. Je ne veux pas qu'il ait l'impression que cela me rendrait triste s'il ne voulait plus m'embrasser. En tant que parents, nous sommes responsables de définir des limites pour nos enfants et de trouver le bon équilibre entre proximité et distance.
Votre livre traite-t-il aussi de ce qui est acceptable pour le jeu ? Les jeux de docteur classiques, par exemple ?
Oui, j'aborde également le thème des jeux de docteur, mais je me concentre principalement sur les violations des limites et la violence sexuelle. C'est pourquoi je recommande de ne lire le livre qu'une fois que l'enfant a été informé des aspects agréables et insouciants de la proximité, du toucher et de la sexualité. Il doit savoir que la proximité est fondamentalement quelque chose de beau. Il est également important que l'enfant apprenne les mots corrects pour désigner les organes génitaux. Si les adultes parlent naturellement de la vulve et du pénis, les enfants le feront aussi. Cela favorise leur perception de leur corps.
Rien n'est plus dissuasif pour les auteurs potentiels que d'aborder ouvertement ce sujet tabou.
Agota Lavoyer
Je souhaite que mon livre aide les parents à aborder la violence sexuelle avec leurs enfants et à aborder eux-mêmes le sujet avec plus de force et d'assurance. Il ne faut pas hésiter à prendre son temps pour lire ce livre. La prévention est plus efficace lorsqu'elle est intégrée dans la vie quotidienne et se déroule sans agitation. La violence sexuelle envers les enfants devrait également être discutée régulièrement dans le cercle familial élargi. Rien ne dissuade plus fermement les éventuels agresseurs qu'une approche ouverte de ce sujet tabou et la confiance de l'enfant dans son entourage, qui lui permet de se confier même s'il s'agit de quelque chose de grave.
Que peuvent faire les adultes lorsqu'un enfant leur confie que lui-même ou un(e) ami(e) a été victime de violence sexuelle ?
Se faire absolument aider par un professionnel. Je recommande ce qui suit : Croire l'enfant et ne pas remettre en question ce qu'il dit. Dire à l'enfant qu'il n'est pas responsable et que l'on est fier de son courage d'avoir fait confiance à quelqu'un. Ne confronter en aucun cas l'auteur des faits. Il faut alors s'adresser à un service spécialisé et demander de l'aide. Il est important de ne pas rester seul face à ce sujet.
Aide aux victimes de violences sexuelles
Vous pouvez également vous adresser au centre d'aide aux victimes si vous soupçonnez qu'un enfant subit des violences sexuelles. Les services cantonaux d'aide aux victimes conseillent de manière professionnelle et gratuite. Les conseillères et conseillers de l'aide aux victimes sont soumis à un strict devoir de confidentialité.
www.opferhilfe-schweiz.ch
147 et 143
Numéro de téléphone 147 : conseil 24 heures sur 24 pour les enfants et les jeunes, www.147.ch. Les parents peuvent s'adresser à La Main Tendue au 143 ou www.143.ch.