Quand les mères perdent leur sang-froid

La femme ne s'est pas retenue. Elle se dressait comme un mur d'orage au-dessus de son fils, au milieu du tram, et lui tombait dessus comme si elle était le jugement dernier en personne. L'enfant, contrit, se taisait depuis longtemps, mais elle ne s'arrêtait pas, elle recommençait toujours. L'enfant avait déjà cédé. Je déteste les femmes qui perdent leur sang-froid, qui ne se contrôlent plus, qui continuent alors qu'elles en ont assez depuis longtemps. Et je déteste particulièrement quand je suis moi-même cette mère.
Oui, parfois je suis une catastrophe éducative. Une mère pour le manuel des mères corbeaux, une mère que les psychologues pour enfants en formation mettent en garde et se passent les uns aux autres. Je n'ai jamais levé la main sur aucun de mes enfants, mais on peut aussi maltraiter les enfants avec des mots. Quand la colère se déchaîne, se répand et s'enflamme. La voix de la raison est certes là, mais elle fronce le nez dans sa petite cabine protégée et fait la leçon : L'enfant ne peut pas comprendre ainsi, tu es adulte, tiens-toi à carreau ! - EST-CE QUE TU M'ÉCOUTES AU MOINS ? Mais il est difficile d'écouter quand on s'accroche au cheval incontrôlable de sa colère, qui galope sur le champ de l'éducation et piétine tout en chemin.
La plupart des parents hochent la tête en signe de culpabilité lorsqu'on leur parle de cela. Presque tout le monde connaît cette situation. Etonnant, en fait. La perte de contrôle est un thème qui appartient plutôt au chapitre de l'adolescence. Dans le but de briser les limites de l'enfance, on fait toutes sortes de bêtises. Pour découvrir à quel point le monde est grand et vaste et à quel point on est vraiment libre, il est parfois bon de renoncer au contrôle. Et la leçon sur la patience dont ce monde peut faire preuve face à un adolescent rebelle est offerte gratuitement. Mais en fait, on veut le contraire et on aspire à prendre sa vie en main. On suit le mouvement, on respecte les règles, on prend ses responsabilités. C'est cela, devenir adulte. Et on ne doit jamais être plus adulte qu'avec les enfants. Malheureusement, les enfants n'apportent pas automatiquement plus de sagesse et d'équanimité. Mais plutôt l'anarchie et le chaos. Peut-être que pour beaucoup, le fait que les enfants changent fondamentalement la vie est difficile à supporter - la perte de contrôle se fait à plusieurs niveaux. On les aime sans limites, et parfois ils nous poussent dans nos retranchements.
Nous sommes tous faillibles, et c'est ainsi que je suis parfois la mère dans le tram, la mère qui maltraite son fils avec des mots et qui ne s'arrête pas. Mais depuis que j'ai appris que j'ai ensuite l'impression d'avoir réellement frappé mon enfant, cet étranglement dans la gorge qui dure des heures, une pression ressentie physiquement lorsque la culpabilité, la honte et la mauvaise conscience pèsent sur vous, j'arrive mieux à me contrôler. Non seulement pour les enfants, mais aussi pour les parents, l'espace d'amélioration est potentiellement illimité.


Michèle Binswanger

Philosophe de formation, elle est journaliste et auteur de livres. Elle écrit sur des sujets de société, est mère de deux enfants et vit à Bâle.