Pourquoi les parents sont-ils si coincés ?

Parfois, on se pose des questions sans importance, surtout lorsqu'on parle avec des amis sans enfants. L'une d'entre elles est la suivante : pourquoi l'obstination dans les familles est-elle aussi sûre que la corruption au Congo ? Sur les blogs de mamans et les forums de mères, la question de savoir ce qui est bourgeois fait toujours l'objet de vives discussions . Pour certains, c'est la peur du bourgeoisisme qui est bourgeoise, pour d'autres c'est l'individualisme forcené ou le fait de posséder une maison, deux voitures, une famille et un chien. Mais je pense que le bourgeoisisme est ce qui se produit nécessairement lorsqu'on fonde une famille.

Le bourgeoisisme, en d'autres termes, n'est à mes yeux rien d'autre que l'antithèse de l'esprit de jeunesse. Celui-ci navigue généralement sous le pavillon de l'anticonformisme, jette, à la recherche de lui-même et de ses possibilités, le plus de lest possible de son enfance, aspire à une vie de liberté, sans racines et si possible sans domicile fixe. Être sans attache, porter le chaos en soi, se battre pour des utopies sans se soucier des détails comme la faisabilité pratique, tout cela est un privilège de la jeunesse. Il devrait du moins l'être, même si les jeunes d'aujourd'hui se montrent parfois plus coincés que leurs parents.

On a un travail régulier, on prépare trois repas par jour, on se couche tôt et on fait des promenades le dimanche. Et ne trouve même pas cela grave.

Quoi qu'il en soit, la mission de la jeunesse s'essouffle rapidement une fois que les enfants sont là. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, on arrive au port de l'âge adulte sans avoir passé la moindre douane. On a un travail régulier, on prépare trois repas par jour, on se couche tôt et on fait des promenades le dimanche. Et on ne trouve même pas ça grave. Car il y a aussi l'autre côté : la prise de conscience que le temps n'a pas seulement une direction indiscutable, mais aussi plus de profondeur que jamais. Que les racines sont une bonne chose, qu'elles sont même préférables au flottement éternellement libre. Bien sûr, même avec une famille, il ne faut pas renier ses rêves de jeunesse. Seulement, on a maintenant la possibilité de les envisager de manière un peu plus réaliste.

Bien sûr, aujourd'hui encore, je peux m'installer n'importe où dans le monde. Seulement, je ne suis plus une fleur isolée qui trouve une nouvelle patrie dans une prairie colorée. Maintenant, j'apporte tout un pied de fleur. On peut certes le rempoter, mais je reste dans la même terre. Contrairement à l'image négative de la bourgeoisie, c'est une pensée extrêmement réconfortante.
Tages-Anzeiger/Mamablog


A propos de l'auteur
Michèle Binswanger est philosophe, journaliste et auteure de livres. Elle écrit sur des sujets de société, est mère de deux enfants et vit à Bâle. Elle écrit régulièrement des chroniques pour le magazine suisse des parents Fritz+Fränzi. Commandez dès maintenant notre newsletter.