Meesha Chang, 42 ans, conseillère créative, vit avec John Witherow, 39 ans, directeur artistique, et leurs deux filles Lucia, 3 ans et demi, et Morgan, 1 an et demi, à Pleasantville NY. La famille vivait jusqu'à récemment à Brooklyn et a déménagé à Pleasantville en novembre dernier.

Chez nous, les règles s'appliquent en fonction du nombre de cas dans chaque région selon le code postal. La situation est dramatique dans toute l'Amérique, mais je ne fais que décrire mes impressions depuis la ville de New York et notre nouveau lieu de résidence situé à environ une heure au nord de Manhattan. En fonction du nombre de cas, les règles sont adaptées pour déterminer combien de personnes peuvent être présentes ou se rencontrer en même temps dans un magasin. Différentes couleurs nous indiquent à quel point la situation actuelle est dramatique : le rouge est mauvais, le vert est OK.

Près de chez nous, il y a quelques endroits qui sont orange, nous essayons de les éviter. De nombreux magasins indiquent en ligne à quel point ils sont fréquentés, ce qui permet de planifier les visites. Il faut garder ses distances partout. Les voyages à l'intérieur du pays sont autorisés, mais il faut souvent se mettre en quarantaine après un voyage, selon l'État.

À New York, le port du masque est obligatoire dans tous les espaces intérieurs. Je vois régulièrement des personnes qui n'en portent pas ou qui en portent mal, les deux m'énervent extrêmement. Les parcs et autres lieux publics sont désinfectés.

Je suis en principe très prudent, nous avons quitté New York entre autres à cause de Corona. Ici, nous avons plus d'espace, nous pouvons aller plus souvent dans la nature.

John travaille la plupart du temps à la maison. Quand il est au bureau, c'est avec un masque et les fenêtres ouvertes. Je suis indépendante et depuis que nous avons déménagé, je n'ai pas encore cherché de contrats. Je m'occupe à plein temps des enfants et du ménage. En raison du manque d'échanges avec d'autres enfants et de moins d'activités sportives, mes filles ne sont souvent pas fatiguées le soir et notre quotidien familial me demande beaucoup d'énergie. Le week-end, j'essaie de me réserver une heure de "me-time".

C'est surtout ma fille aînée qui s'ennuie de ses amis. Elle n'est pas encore à l'école primaire officielle. Dans tout le pays, les écoles sont fermées depuis longtemps dans de nombreux endroits et des amies à moi passent des heures devant l'ordinateur avec leurs enfants pour faire du "virtual learning".

Nous jouons beaucoup à la maison, faisons des jeux de rôle et rencontrons des amis virtuellement. Nous avons également fêté Babyshowers et Thanksgiving via Zoom. Il est rare que nous rencontrions des gens à l'extérieur, surtout lorsque les chiffres se dégradent, je me retiens. En raison du déménagement, mes filles sont assez perturbées et ont besoin de beaucoup d'attention et de proximité.

Nous avions certes un petit jardin à Brooklyn, où les enfants pouvaient au moins sortir un peu pendant le lockdown, mais sinon nous étions assez enfermés dans la ville. Pendant le lockdown, nous avons commandé nos repas à la maison pendant quatre mois et ne sommes jamais sortis, sauf pour aller dans notre petit jardin. L'hostilité de Trump envers les Asiatiques a entraîné plusieurs attaques racistes dans la ville, j'avais vraiment peur de sortir.

Comme notre contrat de location a expiré fin octobre, nous en avons profité pour déménager de New York. Le bureau de John est ici, à Pleasantville, et le choix du lieu s'est donc imposé assez rapidement. Désormais, il n'a plus besoin de faire la navette, même s'il travaille la plupart du temps depuis chez lui. Nous avons pu louer la maison d'amis ici et nous sommes très heureux d'avoir à nouveau un petit jardin. Beaucoup de gens voulaient quitter New York et le marché de l'immobilier ici est hors de contrôle. Maintenant que nous ne vivons plus en ville, nous réalisons à quel point tout était stressant et à quel point nous sommes heureux d'avoir plus d'espace pour notre famille.

Ce n'est clairement pas une période facile, mais je vais bien et je suis reconnaissante. J'essaie de vivre le moment présent et je suis heureuse que nous soyons en bonne santé. Les enfants sont assez résilients et sont heureux quand nous sommes heureux. Parfois, je m'inquiète et j'imagine de mauvais scénarios en rapport avec Corona. Mais cela m'aide à continuer à être stricte et prudente et à rencontrer le moins de personnes possible.

Les enfants apprécient que leurs deux parents soient à la maison et, surtout, qu'ils voient John plus souvent. Nous vivons très isolés, dans une sorte de lockdown volontaire, mais pour nous, c'est ce qui a le plus de sens au vu des chiffres élevés dans tout le pays. Grâce à Portal de Facebook, un appareil vidéo intelligent, nous voyons nos amis et notre famille et jouons à des jeux virtuels ou inventons des histoires interactives ensemble. Parfois, je cache un vieux jouet pour le ressortir quelques semaines plus tard - les enfants ne le remarquent pas et s'en réjouissent. Les journées passent ainsi très vite. Avec Lucia et Morgan, j'ai découvert l'upcycling, nous essayons de transformer de vieux objets en nouveaux. Cela nous amuse tous et nous bricolons, nous nous maquillons et nous cuisinons pour rendre les journées agréables.

Nous avons décidé que le plus sûr était de fêter Noël et le Nouvel An à la maison. Cela fait maintenant un an que je n'ai pas vu ma famille en Californie, c'est dur. Nous avons tous commandé les cadeaux pour les enfants en ligne.

Mes amis et ma famille me manquent. En outre, tout ne peut pas être commandé en ligne et je me réjouis de pouvoir acheter un certain pot de peinture rouge dans un magasin. Je me réjouis également de l'arrivée d'un nouveau président qui, je l'espère, parviendra à rassembler et à guérir le pays divisé. Et j'ai beaucoup d'espoir pour le vaccin qui devrait arriver dans quelques semaines.

Je souhaite surtout pour mes enfants qu'ils puissent à nouveau jouer avec d'autres enfants et se passer de la distance.