«Monsieur Gross, quand un enfant sait-il s'il est un garçon ou une fille ?»

Monsieur Gross, les personnes transgenres s'opposent à ce que le transgenre soit considéré comme un trouble psychique. Les personnes concernées doivent-elles vraiment être traitées ?

Un enfant ou un adolescent trans n'a pas besoin en soi d'un traitement psychiatrique ou psychothérapeutique. Tous les enfants de genre différent ne souffrent pas, loin s'en faut, de problèmes psychiques ou sociaux consécutifs : Je rencontre des enfants transgenres qui vivent sans peine leur variance de genre. Mais pour ceux qui en souffrent, un traitement psychothérapeutique peut s'avérer utile.

De quels problèmes consécutifs ces enfants souffrent-ils ?

Il peut s'agir de difficultés d'adaptation, de problèmes scolaires, d'états dépressifs, d'angoisses, voire de tendances suicidaires. Ces problèmes consécutifs sont les plus importants dans les cas où ils se heurtent au rejet. Dans une récente étude australienne, deux adolescents et jeunes adultes sur trois ont déclaré ne pas recevoir de soutien de la part de leur famille - et trois sur quatre ont dit souffrir de dépression.

Comment percevez-vous les parents qui viennent vous voir ?

Souvent, ce sont eux qui cherchent une prise en charge ou un accompagnement, et pas du tout les enfants. Ils viennent avec des questions comme : devons-nous permettre à une fille trans d'aller au jardin d'enfants avec sa petite jupe ?

Que répondez-vous ?

La question est la suivante : dans quelle mesure l'enfant souffre-t-il s'il ne peut pas le faire ? Mais la question suivante est également importante : quel est le soutien de l'entourage ? Il y a des cas où une transition n'est pas conseillée parce que l'environnement ne remplit pas les conditions, voire parce qu'elle serait dangereuse. Enfin, il faut se demander où en sont les parents : La voie doit être praticable pour eux aussi.

À partir de quand un enfant a-t-il conscience de son sexe ?

Un enfant de deux ans est déjà capable de faire la différence entre le masculin et le féminin. Il n'est toutefois pas encore conscient de sa propre identité sexuelle. Un enfant de cinq à six ans, en revanche, a déjà développé une certaine constance dans ce domaine : Il sait clairement s'il est un garçon ou une fille.

«Si un enfant s'est longtemps identifié à l'autre sexe, il est plus probable que ce vécu soit durable».

Patrick Gross, expert transgenre

L'identification avec le sexe opposé peut-elle n'être qu'une phase ?

J'entends souvent dire que ce n'est qu'une phase. En fait, ce sentiment ne persiste pas à l'âge adulte chez tous les enfants trans. Mais plus un enfant s'est identifié longtemps à l'autre sexe, plus la probabilité est grande que ce vécu soit durable. Et qu'il s'agisse d'une phase ou non, la santé psychique et physique de l'enfant trans dépend en grande partie du fait qu'il soit entendu et pris au sérieux et qu'il bénéficie du soutien, de l'amour et de l'empathie de ses parents.

Que répondez-vous aux parents qui vous demandent de faire suivre une thérapie à leur enfant ?

Que je ne le fais pas. Parce que ce n'est tout simplement pas possible. Et aussi parce qu'il serait contraire à l'éthique d'essayer de le faire.

Ne peut-on pas influencer la perception du sexe de l'enfant ?

En tant que parents, nous pouvons influer sur la définition des rôles masculins et féminins. Mais le sentiment fondamental d'appartenir à l'un ou l'autre sexe ne peut pas être influencé par l'éducation ou la thérapie.

D'où vient ce sentiment fondamental ?

Il existe plusieurs études qui ont examiné des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Toutes n'ont pas réussi à l'expliquer suffisamment. En ce qui concerne la transidentité, on dit volontiers qu'il s'agit d'une genèse «biopsychosociale». Ce qui est ici synonyme de : On ne sait pas.

Qu'est-ce qui est typiquement masculin et typiquement féminin ?

Dans mon travail, j'ai appris que ce que je perçois chez mon interlocuteur comme une expression sexuelle ne correspond pas nécessairement à son identité sexuelle. Et j'ai pris conscience de la difficulté, même pour moi en tant que personne cis, d'expliquer à quelqu'un que je suis un homme sans utiliser de stéréotypes ou faire référence à des caractéristiques physiques.

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