Monsieur Bodenmann, comment fonctionne une relation ?

Le stress quotidien et les conflits pèsent sur la cohabitation de certains parents. Et plus de la moitié d'entre eux finissent par se séparer. Guy Bodenmann, chercheur et thérapeute renommé dans le domaine du couple, explique pourquoi il vaut la peine d'investir dans le couple, comment l'amour peut être entretenu et pourquoi un divorce est souvent grave pour les enfants.

Le bureau du professeur Guy Bodenmann à l'Institut de psychologie de l'Université de Zurich se trouve près de la gare d'Oerlikon. Devant et à droite, de hautes fenêtres, à gauche, contre le mur, des sideboards noirs et, au-dessus, des lithographies d'Henri Matisse.

Monsieur Bodenmann, en Suisse, un mariage sur deux se termine par un divorce - les couples se séparent-ils trop vite aujourd'hui ?

Oui, dans de nombreux cas. Le partenariat est l'une des ressources les plus importantes dont dispose un être humain : pour la satisfaction de la vie, la santé, le bien-être psychique et aussi la performance. Un partenariat est un bien très précieux, mais il vit de la constance, c'est pourquoi il faut investir dans celui-ci. C'est la seule façon de le rendre toujours plus précieux et solide. En cas de rupture de la relation, on recommence toujours à zéro dans la relation suivante. Ainsi, la profondeur, la constance et la solidarité ne peuvent jamais être construites. À titre de comparaison, j'ai récemment fait réparer une vieille montre que mes parents m'avaient offerte pour mes 20 ans. La réparation m'a coûté plus cher qu'une nouvelle montre. Matériellement, la montre n'avait plus aucune valeur. Elle aurait pu être facilement échangée contre une nouvelle. Mais sur le plan émotionnel, j'étais attaché à cette montre. Elle m'avait accompagné toute ma vie. Il en va de même pour un partenariat. Sa valeur augmente avec les années, si l'on en prend soin et que l'on traverse ensemble des moments difficiles.

«Le partenariat est l'une des ressources les plus importantes pour la satisfaction de la vie et la santé».

Psychologue Guy Bodenmann

Que faire lorsque les choses se gâtent et que la relation est au bord de l'explosion ?

Dans tous les cas, il faut examiner attentivement si la séparation est la meilleure solution ou s'il n'existe pas des possibilités de surmonter la crise. Il convient d'analyser soigneusement les avantages et les inconvénients du partenariat et de réfléchir à la manière dont les aspects négatifs peuvent éventuellement être modifiés.

Le professeur Guy Bodenmann est professeur ordinaire de psychologie clinique, spécialisé dans les enfants/adolescents et les couples/familles à l'université de Zurich. Il est directeur du cabinet de thérapie de couple et du cabinet de psychothérapie pour enfants et adolescents au centre psychothérapeutique de l'université de Zurich.
Le professeur Guy Bodenmann est professeur ordinaire de psychologie clinique, spécialisé dans les enfants/adolescents et les couples/familles à l'université de Zurich. Il est directeur du cabinet de thérapie de couple et du cabinet de psychothérapie pour enfants et adolescents au centre psychothérapeutique de l'université de Zurich.

Et si les inconvénients l'emportent ?

Si elles sont nettement prédominantes et ne peuvent pas être modifiées, une séparation peut être indiquée. Il faut toutefois garder à l'esprit qu'en règle générale, un couple évolue par vagues. Il y a des phases où l'on passe de bons moments ensemble et d'autres plus difficiles. En particulier lorsque les choses ne vont pas très bien, le couple devrait essayer de déterminer si, en raison de circonstances extérieures telles qu'un stress professionnel aigu, il se trouve actuellement dans une phase très éprouvante et énergivore, mais dont la fin est prévisible, ou si un sujet de conflit plus profond est à l'origine de l'insatisfaction. Cela pourrait être le cas si l'on se sent trop peu valorisé par l'autre ou si l'on ne ressent pas assez d'équité. Dans ce cas, le couple devrait s'attaquer activement à ces problèmes, car il ne sert à rien d'attendre. De tels problèmes ne se résolvent généralement pas d'eux-mêmes.

Comment un couple peut-il gérer les conflits relationnels ?

Il faut d'abord prendre conscience du problème. Il faut reconnaître ce qui nous dérange et nous rend insatisfaits. Dans un deuxième temps, il s'agit de savoir comment les choses devraient être, comment fonctionne un partenariat. Vérifier à quel point ses propres attentes vis-à-vis de la relation et du partenaire sont réalistes fait souvent partie de cette démarche. Prenons un exemple : Dans la période qui suit la naissance d'un enfant, la sexualité diminue chez deux tiers des couples. Le fait de savoir cela permet de relativiser ce problème, car la plupart des jeunes parents sont dans le même cas. Dans une prochaine étape, il s'agit de créer la motivation pour travailler sur le problème : Que voulons-nous faire en tant que couple pour faire face aux difficultés ? Dans l'exemple ci-dessus, cela signifierait : Comment pouvons-nous raviver notre sexualité ? Quelles sont les possibilités ? Que faisions-nous différemment dans le passé, lorsque nous avions encore plus de rapports sexuels ? Et dans une quatrième étape, le problème est abordé concrètement.

Comment cela se passe-t-il ?

De nombreux couples ont suffisamment de ressources pour résoudre leurs conflits. Le dialogue et la volonté de résoudre les problèmes ensemble peuvent les y aider. Il peut également être utile de lire un guide sur le sujet ou, éventuellement, de suivre un cours sur l'entretien du couple, comme «Paarlife».

Quand a-t-on besoin d'une aide thérapeutique ou d'une consultation de couple ?

Un couple devrait d'abord essayer de résoudre lui-même ses problèmes. Si l'on y parvient ensemble, cela signifie un sentiment de réussite et une consolidation de la relation. Si cela ne fonctionne pas parce que la situation est trop bloquée, il est judicieux de se rendre à une consultation de couple.

De quoi les couples avec enfants souffrent-ils le plus souvent ?

Sous le manque de temps, le stress quotidien, l'agenda surchargé. Les parents sont souvent constamment sous pression, car ils n'ont pratiquement pas de temps libre non planifié. Une autre difficulté réside dans le fait que le partenaire n'est plus l'objet d'amour unique et exclusif lorsque les enfants sont là. La dyade du couple est brisée. Il devient donc plus important de montrer clairement son amour au partenaire. Mais des problèmes surviennent également en raison de conceptions et de valeurs éducatives différentes, c'est-à-dire lorsque le couple n'est pas d'accord sur ce qui est juste et bon pour les enfants. Et puis, les parents sont souvent affligés lorsque leur enfant souffre de difficultés scolaires ou est victime de harcèlement par exemple. Les soucis financiers pèsent également sur certaines mères et certains pères.

Que peuvent faire les couples pour lutter contre le stress quotidien ?

La question cruciale est la suivante : Comment fixer mes priorités ? Tout le monde a une marge de manœuvre ! Mais si l'on accorde plus d'importance au club de sport ou à une autre activité de loisirs qu'à la discussion avec son partenaire et que l'on part du principe que le couple est de toute façon une affaire réglée, alors la relation risque de rester lettre morte. Et à un moment donné, l'éloignement mutuel menace, car on s'est entre-temps de plus en plus éloigné.

«Se donner et se montrer tel que l'on est vraiment dans le couple crée une proximité».

Psychologue Guy Bodenmann

Comment lutter contre cette aliénation ?

Le mieux est de le faire de manière préventive : l'amour est comme une plante qui doit être soignée et entretenue. Si on ne l'arrose pas, si on ne lui donne pas d'engrais, si on ne change pas la terre, si on ne l'expose pas à la lumière et ainsi de suite, elle dépérit. La connaissance de ces soins, mais aussi la motivation à vouloir prendre soin de la plante - ou justement de l'amour - sont très importantes. Si la plante est négligée, elle finira par s'éteindre, tout comme le couple. Plus ce processus d'aliénation se prolonge, plus il devient difficile de le contrer.

Comment cultiver l'amour ?

En maintenant l'intérêt pour le partenaire, en s'intéressant à l'autre, en étant à l'écoute l'un de l'autre et en pouvant compter l'un sur l'autre. En investissant dans la relation et en voulant toujours connaître l'autre. Et en étant prêt à s'ouvrir dans le couple - on appelle cela «l'ouverture de soi» -, en se donnant et en se montrant tel que nous sommes vraiment, avec nos forces et nos faiblesses. En s'ouvrant l'un à l'autre, on grandit ensemble et on crée de la proximité, de l'intimité et de la constance. Le couple est le seul endroit où l'ouverture de soi est possible sous cette forme. Or, certains couples communiquent pendant de nombreuses années à un niveau très superficiel et n'atteignent pas la profondeur dans leur relation. Cela rend la relation volatile et vulnérable.

Susceptible de quoi ?

Susceptible d'aliénation, de déception et de «jeter» la relation avec frustration. Nous vivons aujourd'hui dans une société du tout jetable ; ce qui ne plaît plus est jeté. Cette attitude n'a pas épargné les partenariats. Si ses propres besoins, attentes et désirs ne sont pas satisfaits, on est désabusé et insatisfait. On commence à voir son partenaire sous un jour négatif, on est moins généreux envers ses défauts, on râle, on critique et on entame des jeux de pouvoir. La fréquence et la qualité de la sexualité diminuent aussi souvent.

«Les enfants sont comme des sismographes : ils sentent ce qui ne va pas bien entre les parents et souffrent de ces tensions».

Psychologue Guy Bodenmann

Que conseillez-vous aux couples qui se plaignent que leur sexualité a diminué et est moins excitante ?

Plus un couple n'a pas de relations sexuelles depuis longtemps, plus il est difficile de faire renaître la sexualité. C'est pourquoi il est important de persévérer - même si le «pétillant» ne prédomine plus. Ressentir la proximité et la tendresse, se rencontrer à un niveau plus mûr, peut aussi être très agréable. Tout en restant ouvert et en se demandant : qu'est-ce qui me plaît chez mon partenaire aujourd'hui ? Les exigences doivent être réalistes. Ce qui est bon est bon - tout ne doit pas nécessairement être excellent !

Prof. Dr Guy Bodenmann
Prof. Dr Guy Bodenmann

Revenons aux enfants : Quelles sont les conséquences pour les enfants lorsque les parents se disputent de manière destructrice ?

Elles sont malheureusement souvent graves. Les enfants sont comme des sismographes, ils sentent ce qui ne va pas bien dans la relation entre les parents. Et ils souffrent de ces tensions, que les conflits soient évités, qu'ils couvent ou qu'ils soient réglés de manière impulsive et agressive. Les troubles du couple sont liés à de nombreux troubles infantiles tels que l'agressivité, l'anxiété, la dépression ou les troubles alimentaires. Les problèmes entre les parents ont des effets néfastes sur les enfants par plusieurs voies.

Comment ?

En rendant les parents moins ouverts et moins sensibles aux enfants, en leur faisant adopter un comportement éducatif moins favorable, souvent plus incohérent, et en les faisant souvent souffrir de troubles psychologiques ; comme conséquence de problèmes relationnels chroniques. Les états dépressifs, l'anxiété ou les problèmes d'alcool chez les femmes et les hommes sont des conséquences fréquentes de relations de couple perturbées. Et dans de nombreux cas, les enfants s'immiscent dans le conflit des parents et se retrouvent pris entre deux feux.

Et qu'en est-il des conséquences d'un divorce pour les enfants ?

Un divorce est dans la plupart des cas déstabilisant pour les enfants - les études sont claires à ce sujet. Selon des études longitudinales, il faut entre trois et six ans pour que les enfants se remettent d'un divorce. Certains souffrent encore de la séparation de leurs parents à l'âge adulte. Ils en gardent des cicatrices.

Un divorce est-il plus grave pour les enfants que des parents qui restent ensemble mais se disputent constamment ?

Les disputes chroniques et destructrices sont très néfastes pour les enfants. Si la relation est irrécupérable, le divorce est préférable dans ces cas-là. Mais aujourd'hui, il existe un nouveau type de divorce qui attire l'attention. Environ un quart des couples divorcent sans se disputer beaucoup ou sans avoir une relation conflictuelle. Il leur manque le frisson. On se demande : est-ce que c'est tout ? Est-ce que quelque chose d'excitant et de meilleur ne nous attend pas encore une fois ? On en revient à la société du jetable. Pour les enfants, la séparation des parents tombe comme un cheveu sur la soupe, il n'y avait aucun signe avant-coureur. Le couple et l'amour deviennent pour eux imprévisibles et incontrôlables. C'est déstabilisant sur le plan psychique et la croyance en la fiabilité des relations se perd.


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