Mieux que le sexe
Un avertissement : ce texte n'est ni controversé ni particulièrement riche. Je l'écris pendant ma pause café. Et j'en profite pour parler d'un amour pas si secret, mais d'autant plus passionné, que je partage avec de nombreuses mères, si ce n'est toutes. Il s'agit de ce qui est aussi important pour les femmes que les chaussures, et donc plus important que le sexe. Il s'agit de la substance noire de la passion : le café.
Priver les femmes de leur café aurait le même effet que si l'économie mondiale venait à manquer de pétrole du jour au lendemain : Arrêt de tous les systèmes, violence, chaos, dépression, misère. C'en serait fini de l'hémisphère occidental. (Espérons que les Chinois ne liront pas ces lignes).
Il s'agit d'arriver en haut le matin. Et ensuite, si possible, de rester en haut.
Le café ponctue notre existence quotidienne, il est le ciment social des Desperate Housewives, comme à l'époque des goûters de ma mère avec ses amies, où l'on sirotait la boisson amère dans des petites tasses en céramique faites maison. J'avais l'impression que c'était un rite initiatique secret.
Et très vite, je me suis mis à siroter. Au stade précoce de l'ignorance et de l'immaturité, je me suis contenté du café de la cantine de mon lycée et, plus tard, du breuvage acide de la machine Selecta, jusqu'à ce que mon premier ami, un Portugais, m'introduise dans le monde du galao, la version portugaise du latte macchiato. J'y suis tombé sous le charme et je lui suis resté fidèle, en dépit des exemples plus héroïques de mes amis qui, de temps en temps, abjurent le café en prononçant de longs sermons sur ses effets désastreux sur la santé. Qu'est-ce qu'ils en savent ? Et bien sûr, il y a certainement de nombreuses études qui révèlent des choses aussi effrayantes que le fait que la consommation fréquente de café fait rétrécir les seins.
Mais même cela ne peut pas effrayer un buveur de café invétéré.Je ne pense pas que d'autres sujets fassent l'objet d'autant d'études qui semblent toutes se contredire. J'attribue cela au fait qu'il y a tout simplement trop de passion en jeu dans cette question. Et c'est de cela qu'il s'agit avec le café. C'est-à-dire qu'il s'agit avant tout de se lever le matin. Et ensuite, si possible, de rester en haut.
Il s'agit de toutes celles qui sortent du lit et se traînent jusqu'à la cuisine pour se transformer, dès la première gorgée de café «Bing !», en la charmante Jeanny, prête à affronter le monde et à lui botter le cul si nécessaire. Et c'est ainsi que le matin, dans l'enfer du flux de pendulaires, je me réjouis secrètement de toutes ces femmes titubant au bord du burn-out, peut-être des mères comme moi, qui s'accrochent à leurs gobelets, se font une bonne injection de caféine, pour que le corps perde sa lourdeur et que les heures de pointe de la caféine s'installent, nous hissent sur les rails et nous fassent sentir que nous arrivons quand même à faire quelque chose. Notre travail. Notre famille. Notre vie. Un sentiment aussi fugace qu'un flocon de neige au soleil, mais qui se manifeste de manière subliminale lorsque nous enfonçons nos lèvres dans la mousse, comme si nous volions un baiser à notre bien-aimé. Pour cela, nous acceptons d'être condamnés à devenir des clichés ambulants du «sex and the city» avec nos gobelets en carton.
Et c'est ainsi que nous, les amoureuses et les auto-appréciatrices, nous nous adonnons à toute la palette qui est toujours et partout proposée : il y a des moments pour le cappuccino, qui incite à de longs préliminaires avec de la mousse de lait et du cacao, il y a le quickie court et fort avec l'espresso, il y a le latte macchiato doux, pour lequel on prend son temps. Mais à un moment donné, la pause-café est terminée, à un moment donné on en a aussi assez du café, on rentre chez soi, on se déchausse et on est contente que l'homme ne boive plus de café. Et que l'on peut donc se détendre, et alors on réfléchit encore une fois à l'importance des chaussures et du café.
Tages-Anzeiger/Mamablog
A propos de l'auteur
Michèle Binswanger est philosophe, journaliste et auteure de livres. Elle écrit sur des sujets de société, est mère de deux enfants et vit à Bâle. Elle écrit régulièrement pour le magazine suisse des parents Fritz+Fränzi.
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