Madame Durrer, de quoi avons-nous besoin pour concilier famille et travail ?
Madame Durrer, selon une enquête réalisée dans le cadre d'un travail de master, ni des frais de garde moins élevés ni des avantages fiscaux ne pourraient inciter les mères bien qualifiées à augmenter leur temps de travail partiel ou à retourner plus tôt au travail. Pensez-vous que ce résultat soit représentatif ?
L'enquête est intéressante, mais n'est pas représentative. Les quelque 500 familles interrogées sont pour la plupart des couples bien rémunérés et hautement qualifiés, qui ont déjà un taux d'activité élevé.
Personnellement, je connais des cas où des mères bien qualifiées renoncent à un jour de travail supplémentaire, car le travail supplémentaire ne serait guère rentable. Justement à cause des coûts élevés des crèches. Elles disent : «Je préfère passer mon temps avec les enfants...».
... absolument compréhensible. Mais l'étude montre aussi que 30 pour cent des parents interrogés - bien qualifiés - seraient prêts à augmenter leur temps de travail si les coûts de la crèche étaient moins élevés. La situation se présente différemment pour les femmes qui gagnent moins bien leur vie : Elles n'ont souvent pas d'autre choix que de rester à la maison avec leurs enfants, car elles ne peuvent plus se permettre de payer une garde extrafamiliale supplémentaire au plus tard à partir du deuxième enfant. C'est pourquoi il faut vraiment, dans toute la Suisse, suffisamment de structures d'accueil de qualité et abordables pour les enfants en âge préscolaire. Mais ce n'est qu'une mesure parmi d'autres pour augmenter le nombre de mères qui travaillent.
Que faut-il de plus ?
Un changement de culture d'entreprise est nécessaire. Des modèles de temps de travail flexibles, le télétravail, le jobsharing et des temps partiels raisonnables à tous les niveaux de l'entreprise et dans toutes les professions devraient devenir une évidence.

Et il faut des supérieurs qui comprennent que leurs collaboratrices prennent congé au plus tard à 17 heures pour aller chercher les enfants à la crèche...
... et l'accorder également à leurs collaborateurs masculins. En outre, les supérieurs devraient également s'engager pour l'égalité de traitement financier entre hommes et femmes : Seuls ceux qui reçoivent un salaire égal pour un travail de valeur égale ont une véritable liberté de choix. Si cela n'est pas le cas, ce sont majoritairement les mères qui restent à la maison ou qui travaillent à des taux d'activité inférieurs, car elles sont encore moins bien rémunérées dans de nombreux domaines. Le BFEG propose gratuitement aux entreprises des outils d'autocontrôle leur permettant de vérifier facilement et rapidement leurs pratiques salariales.
Mais il n'est pas non plus facile pour une femme de faire garder ses enfants par des tiers tant que l'opinion prévaut dans notre société que la mère est la personne de référence la plus importante dans les premières années de vie d'un enfant et qu'elle ne peut être remplacée par rien ni personne...
...mais des études prouvent pourtant que les pères font eux aussi un très bon et important travail de garde et de relation - et que les enfants peuvent même profiter des garderies s'il s'agit d'un bon établissement.
A Zurich, les électeurs se sont prononcés le 25 septembre contre l'initiative «Des structures d'accueil abordables pour tous». L'objectif était de développer l'offre de garde, d'en améliorer la qualité et de la rendre abordable pour les parents. Pour cela, les entreprises devaient verser 0,2 à 0,5 pour cent de la masse salariale soumise à l'AVS dans un fonds de prise en charge.
Une solution similaire a été adoptée il y a quelques années dans les cantons de Fribourg, Neuchâtel et Vaud. Les expériences sont majoritairement positives. Les entreprises en profitent également, notamment les moyennes et petites entreprises qui ne peuvent pas mettre en place de crèches au sein de leur entreprise et qui offrent ainsi à leurs collaborateurs des places d'accueil pour leurs enfants.
Or, certaines mères souhaitent tout de même passer les premières années exclusivement auprès de leurs enfants ou ne pas travailler à plus de 40%.
Cette option fait également partie d'une véritable liberté de choix. Je tiens toutefois à préciser que notre système de prévoyance suisse ne pardonne rien. Tout ce qui se passe pendant la vie active s'y répercute. Des phases prolongées de travail à temps partiel peuvent avoir des conséquences radicales sur le montant des prestations de vieillesse de l'AVS et du deuxième pilier. Les personnes qui travaillent pendant une longue période à un taux inférieur à 50 % risquent, une fois à la retraite, de devoir se contenter du minimum vital de 3 100 francs par mois ou de dépendre fortement de leur partenaire sur le plan financier. En cas de divorce, ce risque augmente encore. Avoir une activité professionnelle signifie minimiser les risques pour soi-même.
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