«Les enfants atteints de trisomie 21 peuvent nous ouvrir les yeux»
Monsieur Zimmermann, comment le nombre de naissances avec une trisomie 21 a-t-il évolué en Suisse ces dernières années ?
Il est difficile d'obtenir des chiffres fiables. Nous pouvons partir du principe qu'en Suisse, entre 70 et 90 enfants naissent chaque année avec le syndrome de Down. Ces chiffres sont restés constants ces dernières années.

Le test non invasif Praena, introduit il y a cinq ans, permet de détecter la trisomie 21 à un stade très précoce de la grossesse. Pourquoi les naissances avec trisomie 21 ne diminuent-elles pas davantage malgré tout ?
C'est lié au fait que les grossesses liées à la trisomie 21 ont globalement énormément augmenté. En Suisse, seul le canton de Vaud collecte systématiquement ces données afin de les intégrer dans une étude européenne. Ici, les grossesses avec trisomie 21 ont triplé entre 1989 et 2012. Cela s'explique par le fait qu'aujourd'hui, de nombreuses femmes ne tombent enceintes qu'à un âge avancé ou ne terminent leur planning familial qu'à un âge avancé.
Combien de femmes gardent leur enfant lorsqu'elles apprennent le diagnostic ?
Nous devons partir du principe qu'en Europe, neuf femmes sur dix avortent leur enfant à naître lorsqu'elles apprennent qu'il est atteint du syndrome de Down.
Apparemment, pour beaucoup, il est encore évident d'avorter d'un enfant si quelque chose ne va pas.
Voyez-vous aussi un avantage dans le fait que l'on puisse aujourd'hui détecter la trisomie 21 aussi tôt chez l'enfant à naître ?
En principe, c'est une chance énorme d'aborder ce sujet très tôt. Mais elle est souvent manquée, car il semble que beaucoup considèrent encore comme allant de soi d'avorter un enfant si quelque chose ne va pas. Il serait pourtant si précieux de réfléchir à d'éventuels handicaps ou différences chez l'enfant.
Car, en fin de compte, il peut toujours arriver quelque chose à un enfant qui entraîne un handicap, ou bien l'enfant peut se développer différemment de ce que l'on aurait souhaité. Que faire alors ? Je vois un autre avantage au diagnostic précoce : les familles décident en toute connaissance de cause de mener une vie avec un enfant atteint de trisomie 21. Ces parents soutiennent leurs enfants avec une nouvelle confiance en eux.
La qualité de vie des enfants atteints de trisomie 21 s'est nettement améliorée ces dernières années. Pourquoi ?
Il y a eu un net changement d'attitude. Auparavant, on se demandait, face à un enfant trisomique, si cela valait vraiment la peine d'opérer une malformation cardiaque ou de faire une chimiothérapie. Aujourd'hui, ce n'est plus une question, on adopte une approche proactive, on recherche de manière ciblée les facteurs de risque et on intervient le plus rapidement possible. Parallèlement, on essaie aujourd'hui d'encourager et d'intégrer au maximum les enfants atteints de trisomie 21.
Les enfants atteints de trisomie 21 peuvent nous ouvrir les yeux sur la manière dont on devrait fondamentalement traiter les enfants.
Quel est le conseil que vous donnez aux futurs parents qui ont appris que leur enfant à naître était atteint de trisomie 21 ?
D'une part, il s'agit de rendre compréhensibles les nombreuses informations et de donner aux parents une idée de ce que pourrait être leur vie avec un enfant atteint de trisomie 21. Parallèlement, j'incite à explorer ses propres valeurs, mais aussi les valeurs communes en tant que couple - et si elles existent déjà avec le reste de la famille. Que signifie pour nous le fait d'avoir des enfants ? Quelles valeurs voulons-nous lui transmettre ? Il devient alors souvent rapidement clair si un enfant trisomique a sa place dans cette famille. Je recommande d'ailleurs ce «travail sur les valeurs» à tous les parents, et ce avant même qu'ils n'aient leur premier enfant.
Selon vous, que pouvons-nous apprendre des enfants atteints de trisomie 21 ?
Ces enfants nous obligent à les reconnaître et à les encourager dans leur individualité maximale. D'autres enfants en profiteraient tout autant si on les rencontrait de manière aussi impartiale et individuelle. Les enfants atteints de trisomie 21 peuvent nous ouvrir les yeux sur la manière dont on devrait fondamentalement traiter les enfants. Si nos écoles étaient conçues de manière si individuelle et ouverte que les enfants atteints de trisomie 21 pourraient également les fréquenter, nous aurions par exemple moins d'enfants qui prennent du Ritalin.