La politique familiale en point de mire

Quelles sont les évolutions qui ont marqué la politique familiale dans notre pays ? Où se situe-t-elle aujourd'hui et où doit-elle agir ? C'est sur ces questions et d'autres encore que se penche le nouvel ouvrage de plus de 400 pages intitulé «La politique familiale en Suisse».

Texte : Philippe GnaegirnImages : Rawpixel.com

La politique familiale est un thème récurrent dans les médias. Mais cela fait plusieurs années qu'un livre n'a pas été publié sur le sujet. Avec «La politique familiale en Suisse», une nouvelle publication est disponible, qui souhaite ouvrir le sujet à un large public. Le livre met en lumière l'évolution de la famille dans le contexte des développements socio-historiques, mais jette également un regard sur les défis futurs. Le fait est que beaucoup a été fait et qu'il reste encore beaucoup à faire.

La famille n'est pas seulement un groupe de personnes, mais une entité juridiquement reconnue. Elle sert d'interlocuteur à de nombreux acteurs, comme l'État ou l'école, et acquiert ainsi une dimension publique. Il est donc légitime de développer une politique familiale qui se concentre sur la famille en tant qu'entité, quelle que soit la forme que celle-ci peut prendre.

La revendication de l'égalité des sexes a eu pour effet de remettre en question l'image classique de la famille.

Les premières interventions en matière de politique familiale ont visé l'image classique de la famille, qui attribue au père le rôle de seul soutien de famille et de chef de famille et à la mère la responsabilité de l'éducation des enfants et du ménage. Cette constellation ne correspond plus guère à la réalité actuelle. La famille a fondamentalement changé au cours du 21e siècle - la diversité a remplacé une construction étroitement définie. Aujourd'hui, il n'existe plus une seule variante de vie familiale, mais des variantes très différentes. Une politique familiale moderne doit tenir compte de cette réalité.

Nouvelle conscience et vieilles habitudes

Les évolutions sociales sont le moteur des changements en question : L'influence des traditions diminue, les stéréotypes de genre s'effritent, le niveau d'éducation augmente - en particulier celui des femmes, qui s'impliquent de plus en plus sur le marché du travail.

Pour être précis, près de 80% des femmes exercent aujourd'hui une activité professionnelle et le sexe féminin est majoritaire dans les universités. La conciliation de la vie familiale et professionnelle, qui concerne autant les femmes que les hommes, n'est-elle pas un souhait légitime au 21e siècle ? D'autant plus qu'il existe d'autres bonnes raisons d'aider la famille : elle fournit des prestations indispensables qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du produit intérieur brut. Pensons par exemple à l'aide apportée aux parents âgés ou à la garde des enfants.

Toutes ces tâches, aussi évidentes qu'elles puissent paraître, représentent un coût dès lors qu'elles ne sont pas assumées par la famille, mais par la société. C'est aussi dans ce contexte que la politique familiale prend une place de plus en plus importante. La revendication de l'égalité des sexes a eu pour effet de faire intervenir des règles démocratiques et de remettre en question l'image classique de la famille. Parallèlement, les traditions, les stéréotypes, les valeurs et les sentiments de culpabilité ont la vie dure. Ainsi, la famille d'aujourd'hui se trouve dans un champ de tension entre l'idéal et la réalité, ce qui entraîne parfois des ruptures et de l'instabilité.

Philippe Gnaegi est directeur de Pro Familia Suisse et chargé de cours à l'Université de Fribourg.

Si nous considérons l'évolution réjouissante de la femme dans la société - tout en sachant qu'il reste encore de nombreux obstacles à surmonter avant d'atteindre l'égalité -, nous ne devrions pas oublier un autre membre de la famille dont l'importance ne cesse de croître : l'enfant.

Depuis les années soixante-dix, le taux de natalité est en baisse, ce qui signifie que le maintien de la société est en jeu.

Le regard de la société sur les enfants a considérablement changé. Non seulement l'enfant est désormais officiellement promu au rang de sujet de droit et considéré comme un individu à part entière, mais la politique fait également de son potentiel de développement une de ses préoccupations. Le développement des crèches publiques et diverses interventions en faveur de l'encouragement précoce dans la tranche d'âge de zéro à quatre ans en sont un bon exemple.

Depuis les années soixante-dix, le taux de natalité est en baisse - en d'autres termes, le maintien de la société est en jeu. Il n'est donc pas étonnant que le bien-être et les droits de l'enfant n'aient jamais été aussi fortement mis en avant qu'aujourd'hui, tant au niveau national qu'international.

Les prochains obstacles sur la route

L'espérance de vie a augmenté et le taux de mortalité a diminué. Cela élargit la société à la catégorie des retraités. Aujourd'hui, la plupart des acteurs politiques sont conscients de la nécessité d'une politique qui favorise les relations entre les générations et aide les membres de la famille à s'occuper et à soigner leurs enfants, parents et autres proches. L'enfance et la vieillesse ont ainsi acquis une valeur sociale, politique, juridique et économique plus importante. Cela s'accompagne de bases juridiques élargies et plus complètes. Les normes de protection de l'enfance, la reconnaissance de nouvelles formes de famille et de vie, l'égalité des sexes, le droit du divorce ou le mariage pour tous montrent que le droit réagit à l'évolution de la société, même si c'est parfois avec retard. De telles dispositions légales permettent d'ancrer la reconnaissance des droits et des devoirs des familles et de leurs membres entre eux et vis-à-vis de la société.

Les thèmes qui concernent fondamentalement les familles vont bien au-delà d'aspects tels que la conciliation du travail rémunéré et du travail familial. Des mesures s'imposent par exemple en matière de politique fiscale, de privations matérielles auxquelles certaines familles doivent faire face, de manque de femmes à des postes de direction ou de carrières professionnelles interrompues et de leurs conséquences. Ce sont ces domaines, et bien d'autres encore, que le livre «Familienpolitik in der Schweiz» examine dans une perspective politique, juridique, économique et historique.

Quelles sont les évolutions qui ont marqué la politique familiale dans notre pays ? Où se situe-t-elle aujourd'hui et où doit-elle agir ? C'est sur ces questions et d'autres encore que se penche le nouvel ouvrage de plus de 400 pages intitulé "La politique familiale en Suisse".
Philipp Gnaegi, Nadine Hoch : La politique familiale en Suisse. Schulthess 2021, 410 pages, env. 89 Fr.