La jeunesse en crise : notre thème du mois de mai
La prise de conscience que j'étais malade s'est faite à la dure. Les médecins étaient sans équivoque : «Si tu continues comme ça, tu vas mourir». C'est en ces termes que Sara, 16 ans, décrit à ma collègue Virginia Nolan le moment où elle a pris conscience qu'elle ne pourrait pas maîtriser seule ses troubles alimentaires. Quel a été l'élément déclencheur de la crise ? «La perte d'une amitié m'avait beaucoup affectée. J'ai commencé à douter de moi, à essayer de prendre le contrôle de mon corps en m'entraînant plus dur et en mangeant moins».
Sara est l'une des 12 000 jeunes femmes âgées de 10 à 24 ans qui ont suivi un traitement psychothérapeutique résidentiel en Suisse en 2021. C'est un quart de plus que l'année précédente. Cette augmentation est sans précédent, les raisons sont inquiétantes et multiples.
De nombreux jeunes sont soumis à une énorme pression, s'accordent à dire les psychiatres et les psychologues. Le principal facteur de stress est l'école. Les examens et les devoirs ne sont pas les seuls facteurs de stress : les disputes en classe, les conflits avec les enseignants ou le mobbing en sont également la cause. Au niveau primaire, environ deux enfants par classe sont touchés par des troubles anxieux ; au niveau secondaire, un élève est dépressif.
D'autres situent la détresse psychologique des jeunes dans la situation mondiale. La pandémie, la crise climatique, puis la guerre en Ukraine; l'état de crise permanent génère des sentiments d'impuissance, en déstabilise plus d'un. Tout comme l'utilisation excessive des médias sociaux. La comparaison permanente avec les autres, le flot de nouvelles négatives - tout cela rend malheureux.
Les enfants ne font pas assez l'expérience de la réussite dans la vie réelle. On ne fait l'expérience de l'efficacité personnelle que dans le monde réel, pas dans le monde virtuel.
Eliane Perret, psychologue et pédagogue curative
A la puberté, les jeunes sont particulièrement vulnérables : la satisfaction de leur propre existence diminue rapidement, beaucoup se sentent sans repères et sans soutien, ressentent un grand vide. «Ils plongent dans des mondes virtuels. Ils auraient pourtant besoin d'avoir les pieds sur terre», explique la psychologue Eliane Perret.
Aujourd'hui, une maladie psychique n'est plus stigmatisée. Parents, enfants et adolescents sont plus prompts à accepter de l'aide. Comme Léa, 15 ans, qui décrit ainsi le début de sa crise psychique : «Les sautes d'humeur ont commencé insidieusement. J'étais confuse, de plus en plus désespérée, je perdais le plaisir de ce qui m'était cher. Puis j'ai commencé à me faire du mal». Jamais de sa vie elle n'aurait pensé avoir besoin d'une thérapie.
Les experts s'accordent sur un point : une estime de soi stable et l'expérience de l'efficacité personnelle peuvent réduire le risque de maladie psychique. Les parents devraient transmettre à leur enfant une attitude optimiste - et ne pas essayer de lui épargner des moments de frustration.
«Les adultes doivent montrer aux enfants ce qu'est la vie. Qu'elle nous met face à des défis et qu'il est tout à fait possible de les surmonter», explique Eliane Perret. Car ce n'est pas l'échec d'une tâche qui détruit l'estime de soi, mais le fait d'empêcher un enfant de développer la moindre estime de soi.
Cordialement, votre
Nik Niethammer
