Ce que les mères ne disent pas

Les mères (et les pères) doivent éduquer leurs enfants et c'est pourquoi les bonnes mères (et les bons pères) enseignent à leurs enfants : Il ne faut pas mentir. Mentir, c'est mal. Mentir est immoral. Mais comme c'est souvent le cas, il n'est pas si facile de respecter ses propres directives lorsqu'il s'agit de soi-même. La mère moyenne est en effet elle-même une menteuse assidue, comme le montrent les sondages. Les mères mentent aux autres mères, à leur partenaire et même à leurs enfants. Mais elles aiment particulièrement mentir à leur propre mère.

Près des trois quarts des mères interrogées ont déclaré qu'elles mentaient à leurs parents sur la manière dont elles s'entendaient avec leur famille. Mais les mères aiment également mentir sur le nombre de jeux qu'elles organisent avec leurs enfants, sur la fréquence à laquelle elles les laissent regarder la télévision et sur la manière dont elles les nourrissent. Il en va de même pour les questions financières et leur vie amoureuse.

Les résultats ne sont pas particulièrement étonnants. La peur de l'échec, le sentiment de ne pas être à la hauteur, de gérer la situation moins bien que les autres - qui ne connaît pas cela ? On peut peut-être en discuter avec de bonnes amies - avec les mères, on n'a généralement pas envie de le faire. (Note à moi-même : Revenir sur cette idée lorsque son propre enfant atteindra la puberté).
En effet, soit la mère était un modèle de mère si rayonnant que l'on restera toujours une liste de défauts ambulante, soit elle n'a pas du tout réussi et il ne reste plus qu'à se rendre compte que l'on ne vaut pas mieux.

Nous préférons ne pas dire à voix haute ce qui pourrait mettre en péril le statu quo avec des enfants et un double revenu.

Il est plus intéressant de se demander comment enseigner à ses enfants qu'il ne faut pas mentir si l'on n'est pas honnête avec les autres. Et cela ne concerne même pas seulement la propre mère. Jusqu'à récemment, on trouvait sur Mumsrock.com une liste des choses que les mères cachent à leur mari.
Outre les mensonges susmentionnés sur la consommation télévisuelle des enfants et leur alimentation, on y trouvait également des points tels que les suivants : Que les mères préféreraient partir seules en vacances , mais qu'elles ne le font pas parce qu'elles sont trop bien éduquées pour cela. Qu'elles dépensent trop d'argent en produits cosmétiques. Qu'elles font du multitasking au lit et qu'elles réfléchissent pendant l'acte d'amour à la meilleure recette pour le chou-fleur. Ou quels flics de la télé on ne pousserait pas du bord du lit. Et que si les mères ne disent pas tout haut ce qu'elles pensent, c'est uniquement parce qu'elles ne veulent pas mettre en danger le statu quo avec des enfants et un double revenu.

Alors, est-ce que mentir est immoral dans tous les cas ou existe-t-il certains sujets sur lesquels il est acceptable de mentir ? Le philosophe et écrivain Maurice T. Maschino a un point de vue original sur cette question. Il affirme que le mensonge dans le couple, auquel il ajoute les omissions, les demi-vérités, les dissimulations, les embellissements, n'est pas seulement inévitable, mais même nécessaire - il le considère comme une forme d'amour à part entière.

Le mensonge profite finalement aux deux partenaires

On ment surtout lorsqu'une personne se sent dérangée dans son intimité, par exemple par des situations de vie contraignantes ou des idées morales. Derrière cela se cache la peur d'être interrogé par d'autres et la peur de se perdre soi-même. Et bien que le mensonge soit moralement condamné, il profite en fin de compte aux deux partenaires. Il apporte à l'un la liberté, à l'autre la protection contre la brutalité inutile et le maintien de l'illusion. Ou comme le disait La Rochefoucauld : «Dans l'amitié et dans l'amour, on est plus heureux de ces choses qu'on ne sait pas que de celles qu'on sait».

La seule question est de savoir comment on peut enseigner cela à ses enfants. Ils y viendront probablement d'eux-mêmes lorsqu'on leur demandera comment les choses se passent dans leur relation ou dans leur propre famille. Car parfois, il est tout simplement plus poli de mentir.
Tages-Anzeiger/Mamablog


A propos de l'auteur
Michèle Binswanger est philosophe, journaliste et auteure de livres. Elle écrit sur des sujets de société, est mère de deux enfants et vit à Bâle. Elle écrit régulièrement pour le magazine suisse des parents Fritz+Fränzi.
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