Affamés d'amis
Il ne faut pas se laisser aller à la folie, juste un peu, jusqu'à ce que les mesures de précaution soient respectées. Je suis une personne pragmatique. Je pense qu'on peut réduire les risques, mais qu'on ne pourra pas les éliminer complètement. C'est pourquoi je continue à autoriser mes enfants à voir leurs amis. Et moi-même, après trois semaines de lockdown, j'ai pris mon courage à deux mains et suis montée dans un train pour Zurich. Je voulais voir mon partenaire et quelques amis, car seul, l'homme se détruit. Je suis donc montée dans un train pour Zurich un samedi après-midi. Ce fut une expérience hautement surréaliste.
Je voulais voir mon partenaire et quelques amis, parce que seul, l'homme va à sa perte.
Il ne faut pas se laisser aller à la folie, mais c'est tout de même un peu fou. Au début, il m'a fallu pas mal de courage pour laisser mes deux adolescents à la maison et faire quelque chose pour moi. Est-ce que c'est encore légal, me suis-je demandé, est-ce que c'est justifiable, alors que je marchais dans les rues désertes. J'avais l'impression d'être dans un film catastrophe : les trams sont vides, la gare est vide et le train aussi, heureusement. En conséquence, ma tension nerveuse s'est rapidement apaisée, jusqu'à ce qu'une femme s'approche soudain de moi dans le tram à Zurich. Je pensais qu'elle allait me demander son chemin, mais au lieu de cela, elle voulait de l'argent. Je lui ai donné quelques pièces - pour paniquer peu après. Elle s'était approchée de moi à moins de 30 cm. Elle m'avait parlé. Sa prononciation n'avait-elle pas été un peu humide ? Et si elle m'avait soufflé son virus Corona au visage ? Je m'en voulais : si elle m'avait contaminé, mon partenaire, mes enfants et leurs amis et familles seraient bientôt contaminés à leur tour. Heureusement, mes inquiétudes se sont révélées infondées. Je suis toujours en bonne santé.
Est-ce que c'est encore légal, me suis-je demandé, est-ce que c'est justifiable, alors que je marchais dans les rues désertes.
Et le voyage en valait la peine. Des amis sont venus à un dîner Corona, nous étions cinq et tous étaient tellement affamés de compagnie humaine que nous avons mangé, bu et finalement dansé autour des tables comme des fous. C'est un peu fou, tout de même. Je n'ai presque jamais vu une ambiance aussi joyeuse dans un si petit groupe. J'avais l'impression d'être un personnage historique des années 1920, les années folles, quand l'aube d'une nouvelle ère semblait à portée de main, et avec elle la volonté de faire la fête.
Oui, chers amis, ce sont les années 20, ce sont nos années 20 et nous en tirerons le meilleur parti, avec ou sans le virus Corona. Et nous deviendrons tous un peu fous, mais cela en vaut la peine. Restez simplement en bonne santé.
Il s'agit du deuxième texte du nouveau mamagblog Lockdown de Michèle Binswanger, dans lequel elle raconte ce qu'elle vit dans son bureau à domicile. Désormais, cette mère de deux enfants blogue deux fois par semaine - le dimanche et le jeudi. Son blog apparaît sur www.tagesanzeiger.ch et www.fritzundfraenzi.ch.
Michéle Binswanger est philosophe de formation, journaliste, auteur de livres et chroniqueuse de longue date chez Fritz+Fränzi. Elle écrit sur des sujets de société, est mère de deux enfants et vit à Bâle.
Note de la rédaction
Chers lecteurs,
Nous aimerions répondre aux réactions des lecteurs concernant cet article. Nous les comprenons également. Pour nous, comme pour Michèle Binswanger, il ne s'agit en aucun cas de contourner les directives générales. C'est d'ailleurs clairement exprimé dans le texte de Michèle Binswanger. Les rassemblements de cinq personnes au maximum sont en ordre et les voyages en transports publics sont autorisés s'ils sont indispensables à la personne concernée. Nous connaissons Michèle Binswanger comme une personne très réfléchie et prévenante, qui ne s'en prend pas aux marginaux et ne se rebelle pas contre les directives actuelles de l'OFSP.
Nous vous invitons également à lire la prise de position de Mme Binswanger à la suite de notre communiqué.
Meilleures salutations
Votre magazine suisse des parents Fritz+Fränzi (Zurich, 9 avril 2020)
Prise de position de Michéle Binswanger :
Chers lecteurs, le mot fête a peut-être été mal interprété. Nous avons passé une soirée très stimulante avec de la musique à cinq. Nous avons mangé ensemble et nous avons dansé à la fin, les deux à une distance raisonnable. Il y avait du désinfectant partout. Personne n'a été mis en danger.
Michèle Binswanger
Le journal de Michèle Binswanger en un coup d'œil :
- Zeiten-Paradox im Lockdown
- Ausgehungert nach Freunden
- Lockdown-Bilanz und eine Prise Optimismus
- Frühling und die Kunst, traurig zu sein