«Je voulais soulager ma femme et je me suis totalement surchargé».
Urs von Känel, 37 ans, et sa femme Salome, 35 ans, vivent à Steffisburg BE avec leur fille de trois ans, Ela. Urs travaille comme physiothérapeute, Salome est éducatrice spécialisée. Toutefois, elle est en incapacité de travail depuis un cancer et une attaque cérébrale. Ces coups du sort ont poussé les parents à la limite de leurs capacités.
Salome : "Quand Ela avait 15 mois, on m'a diagnostiqué un cancer du sein. Par chance, mon traitement a été efficace et les médecins n'ont plus trouvé de cellules cancéreuses un an plus tard. Peu de temps après, j'ai toutefois été victime d'une attaque cérébrale ; les visites à l'hôpital, les examens et les thérapies ont donc continué.
Je me sentais terriblement mal, mais je me suis demandé comment je pourrais soulager Urs.
Salome von Känel
Il faut dire que cette phase de stress avait déjà commencé pendant ma grossesse. Je souffrais de nausées et de vomissements extrêmes et j'ai donc dû être hospitalisée. Après l'accouchement, Urs a essayé de me soulager pour que je puisse me remettre sur pied. Ensuite, lorsque j'ai reçu le diagnostic de cancer, il était en fait déjà à bout de forces. J'ai donc relégué mes besoins à l'arrière-plan, je n'ai parfois pas eu le courage de demander encore plus d'aide. Le sentiment d'être un fardeau pour les autres m'était très désagréable. Je me sentais mal physiquement, terriblement mal, mais mentalement, je me demandais comment je pourrais soulager Urs.
A un moment donné, nous avons parlé de notre situation avec ma psycho-oncologue. Elle nous a alors conseillé qu'Urs se fasse également aider par un thérapeute. Cela nous a beaucoup apporté à tous les deux et a changé notre façon de nous comporter en tant que couple et avec nous-mêmes. Nous sommes désormais bien plus aptes à reconnaître et à communiquer nos limites et nos besoins. Grâce à cette ouverture, nous savons aussi ce dont l'autre a besoin et nous pouvons nous soutenir. Entre-temps, j'ai découvert à quel point le chant me fait du bien et je prends des cours de chant depuis quelque temps. Urs joue souvent de la guitare le soir. Souvent, nous chantons aussi ensemble avec notre fille Ela. Cela apporte un calme et une joie incroyables dans notre quotidien".
Urs : "Quelques jours avant le diagnostic de cancer de Salomé, je me suis mis à mon compte. Cela m'a demandé beaucoup d'efforts supplémentaires. Nous ne pouvions pas changer le fait que notre situation était vraiment difficile. Mais la façon dont nous l'avons gérée s'est avérée être un fardeau supplémentaire. Chez moi, de nombreux modes de pensée et modèles issus de la socialisation masculine dans notre société se sont ajoutés. Je pensais que mon rôle d'homme consistait à être le roc de ma femme. Je voulais assurer ses arrières. C'est pourquoi j'ai eu des difficultés à m'endormir et à rester endormi, j'étais constamment abattu.
J'ai appris à accepter les sentiments de faiblesse au lieu de réagir de manière passive et agressive.
Urs von Känel, physiothérapeute
Mais je ne m'admettais pas que j'en faisais trop. J'ai d'abord éprouvé des sentiments de culpabilité et de honte, puis une colère cachée a surgi. Qu'est-ce que je dois encore faire, pensais-je. Ce n'est tout simplement pas suffisant ! Au cours de ma thérapie, j'ai appris à prendre conscience de mes sentiments et à les laisser s'exprimer. J'ai appris à accepter les sentiments de faiblesse au lieu de réagir de manière passive et agressive. Nous avons appris ensemble à prendre soin de nous. Cela implique aussi de nous ménager des espaces de liberté où chacun de nous peut parfois faire ce qu'il veut tout seul".
