Enseigner (à distance) à l'époque de Corona

Ce qui se termine habituellement en classe par un regard ou une brève réponse à une question ouverte s'est transformé en épreuve de force pour tous : les élèves ont dû faire preuve d'autodiscipline pour appeler l'enseignant et attendre qu'il ait le temps. Ils ne pouvaient pas simplement pointer du doigt une tâche et demander : «Vous, comment je fais ça ?», mais devaient expliquer précisément ce qu'ils voulaient savoir. Et je devais expliquer sans pouvoir montrer - et ce à chaque fois en l'espace de trois minutes, c'est le temps que durait généralement un contact téléphonique entre un élève et son enseignant. Un défi pour les deux parties.

J'ai écrit ci-dessous ce que cela signifie pour moi, en tant qu'enseignant, d'enseigner à distance.

«Dans l'enseignement à distance, j'avais souvent l'impression d'être plus un comptable qu'un enseignant».

À cinq heures et demie du matin, je démarre mon ordinateur à la maison et me connecte au programme de messagerie et à Teams. Hier soir, tard, mes collègues ont préparé les emplois du temps des élèves pour aujourd'hui. Je peux maintenant y ajouter mes contenus pour la journée. Les différences avec l'enseignement en classe commencent dès la préparation. Alors qu'en temps normal, je note les tâches à accomplir par mots-clés, je me prépare mentalement à la leçon, je prépare mes documents et je note au tableau les objectifs et un bref déroulement, c'est complètement différent pour l'enseignement à distance.

Un produit d'un élève est arrivé dans la boîte de réception à 23 heures

Les mêmes réflexions sont nécessaires, sauf que la consigne doit être enregistrée ou formulée par écrit et de la manière la plus complète possible. Dans la salle de classe, les élèves peuvent demander immédiatement des précisions, ce qui est un grand obstacle pour eux dans l'enseignement à distance. La veille, j'ai vu qu'il manquait encore à trois élèves les produits demandés le lundi et qu'une élève était malade. Dans la boîte de réception, je trouve un autre produit, il est arrivé la veille à 23 heures, voilà pour les heures de connexion des jeunes.

Je contrôle donc le produit et rédige un commentaire sur les équipes, en expliquant ce qui doit encore être amélioré. Une activité à laquelle je peux normalement m'adonner juste avant la remise en classe ou même pendant le processus de création et qui me prend maintenant dix minutes. Un feed-back écrit qui est compris par l'apprenant aussi précisément que possible, comme je l'imagine, prend du temps - les questions et les malentendus prendraient en effet encore plus de temps. Je télécharge les solutions et les aides sur Teams et j'écris encore quelques conseils de départ pour les classes dans les chats de classe. A 7h30, je suis prête.

Un contact téléphonique entre un élève et un enseignant durait en général trois minutes. Un défi pour les deux.

Je dis bonjour à mes enfants et je leur signale que la trousse rouge est accrochée à la porte. C'est pour leur montrer que je suis en train de travailler et qu'ils ne doivent pas me déranger. A 8 heures, c'est parti. Des questions et des questions, des appels téléphoniques, des chats vidéo, des conférences, une courte pause pour aller aux toilettes et la suite avec des contrôles vidéo pour des devoirs de français.

Qu'est-ce que mes élèves ont compris, qu'est-ce qu'ils n'ont pas compris ? Où dois-je expliquer plus précisément ? Où faut-il davantage de soutien et de conseils ? Le temps passe vite ; il est déjà 12h15. Officiellement, les élèves n'ont cours que jusqu'à 11h30.

Vers 13 heures, le travail reprend. Vers 16 heures, les choses se calment peu à peu, là aussi le temps de «cours» des jeunes serait limité aux heures entre 13h30 et 15h30, mais eux aussi veulent bien faire et terminer leurs missions. Enfin, j'écris aux élèves un feed-back sur leur travail et je prépare le jour suivant. Je termine ma journée de travail à 21 heures.

Mon travail a beaucoup changé sur le plan émotionnel depuis le début de la crise de Corona. Ma tâche principale en tant qu'enseignant est de créer une relation d'apprentissage - dans l'enseignement à distance, je me sentais souvent plus comme un comptable. Qui a soumis le travail et comment a-t-il été fait ? Combien de différents mandats ouverts ai-je dans la classe Z ? Je préférerais de loin me pencher sur les pensées suivantes : L'élève X a super bien travaillé aujourd'hui et a donné l'impression d'être joyeuse. Apparemment, les disputes entre les filles se sont calmées.

L'accent a été mis sur des compétences que les enfants auraient difficilement pu acquérir autrement en si peu de temps.

Il me semble prématuré, à l'heure actuelle, de tirer un bilan définitif de la période d'enseignement à distance. Néanmoins, une chose est sûre pour moi : l'échange ciblé m'a manqué, mais aussi aux élèves. Dans l'enseignement à distance, les relations d'apprentissage me manquent. En tant qu'enseignant, j'ai remarqué comment je pouvais influencer positivement l'apprentissage par des signaux non verbaux. Dans cette phase, l'accent est désormais plutôt mis sur d'autres compétences que les enfants n'auraient sinon guère acquises en si peu de temps. Je pense aux compétences numériques, mais aussi aux compétences dans le domaine de l'organisation personnelle. C'est là que j'ai appris à les connaître encore mieux.

Il y a encore des investissements à faire dans la transformation numérique

Malheureusement, certaines matières, comme les langues étrangères, sont beaucoup trop négligées dans l'enseignement à distance. Le contact avec la langue, si important pour l'apprentissage de celle-ci, est réduit à des séquences très courtes et unilatérales.
L'apprentissage à distance a cependant montré que les outils numériques peuvent être un moyen pédagogique pour individualiser certains contenus. La structure de l'école contribue à maintenir une équité des chances aussi élevée que possible. Non seulement les barrières techniques, mais aussi l'environnement (par exemple les petits frères et sœurs, l'espace restreint dans le logement) ont une influence sur la capacité d'une personne à suivre l'enseignement à distance.

Pour l'école, j'espère que cette phase aura un effet positif à plus long terme. Ainsi, il a été clairement démontré où la transformation numérique nécessite encore des investissements, tant au niveau des conditions techniques et du matériel pédagogique que de la formation initiale et continue du corps enseignant.

Il reste encore beaucoup à faire.

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